1 Afghanistan
(Andréa Casciano, Adèle Couture, Marianne Giroux & Charles-Antoine West)
Profil du pays
L’Afghanistan est un pays principalement montagneux se trouvant au cœur de l’Asie. Il recouvre une superficie de 252 072 pieds carrés, ce qui équivaut à la taille de l’État du Texas aux États-Unis, divisé en 34 provinces. Avec aucun accès à la mer, l’Afghanistan compte sur son territoire l’un des endroits les plus arides du monde : le bassin du Sistan. Le pays est également situé sur une zone sismique et est sujet à de nombreux tremblements de terre.
Comptant près de 40 millions d’habitants, 72 % d’entre eux vivent en milieu rural. La population est divisée en plusieurs groupes ethniques, les plus importants étant les Tadjiks et les Pachtounes. Les habitants sont majoritairement musulmans et parlent dari et pachto. En 2020, selon l’UNESCO, le taux d’alphabétisation était de 55 % pour les hommes et 29,8 % pour les femmes. Kaboul, la capitale, est tombée aux mains des talibans en 2021 après le retrait des troupes armées américaines la même année. L’avenir de l’éducation, surtout celle des jeunes filles, est assez incertain. Le gouvernement actuel est considéré comme non reconnu, son « leader suprême » étant Hibatullah Akhundzada.
Les nombreux conflits armés et l’instabilité politique sont cités comme étant les raisons pour lesquelles l’Afghanistan demeure l’un des pays les moins développés du monde malgré son accès à de nombreuses ressources naturelles fortement convoitées : charbon, cuivre, uranium, or, gaz naturel, pétrole. Le tourisme n’y est également que très peu développé.
Histoire
Au Ier siècle de notre ère, les bouddhistes occupèrent le territoire qui est aujourd’hui l’Afghanistan. Ils détinrent dans leurs monastères les premières versions de bibliothèques privées (Fazle Kabir, 1994). Au VIIe siècle, des armées arabes prirent possession des terres et y introduisirent l’islam (Shroder, 2004). Différents rois, empereurs et chefs se succédèrent jusqu’au XVIIe siècle lorsque Ahmad Shah Durrani fonda la dynastie Durrani, aussi appelée l’Empire afghan (Clements & Adamec, 2003) qui était considéré comme l’empire musulman le plus puissant au XVIIIe siècle (Duprée, 1973) et le fondement de l’Afghanistan actuel.
Envahi par les Anglais, territoire stratégique pour les Russes, le pays fut constamment le sujet de conflits armés. Après avoir proclamé l’indépendance totale de la couronne britannique lors de la Première Guerre mondiale, Emir Amanullah Khan déclara, en 1919, l’Afghanistan comme État souverain et indépendant. Il introduisit le pays sur la scène internationale, formant des alliances avec l’Union soviétique et la république de Weimar. Il s’auto-proclama roi en 1926 et tenta de moderniser son royaume. Sa femme, la reine Soraya, fut une figure importante de la lutte pour l’éducation. Elle permetta l’abolition de l’esclavage en 1923 et la suppression de l’obligation de porter la burqa pour les femmes. De nombreux chefs religieux s’opposèrent à ces réformes et contraignirent le roi à abdiquer en 1929. Son cousin, Nader Chah, reprit les rênes du pays mais fut assassiné après quatre années passées sur le trône. Son fils lui succéda, et les années 1930 virent le pays grandement se développer : de nouvelles routes, de nouvelles infrastructures, la création d’une banque nationale et le développement général de l’éducation.
En 1973, alors que le roi était en Italie, Daoud Khan commit un coup d’État et assuma la position de président, abolissant la monarchie par la même occasion. Trois années plus tard, le Parti démocratique populaire commit, à son tour, un coup d’État lors de ce que l’on appelle la « révolution de Saur ». Le nouveau dirigeant, Nur Muhammad Taraki, mena de nombreuses campagnes controversées qui menèrent finalement à une guerre civile. Sous ce régime communiste, la censure fit rage, surtout auprès des bibliothèques et des personnes de lettres. Une vague de « nettoyage » élimina des étagères les œuvres de Sartre, Nietzsche ou encore Beckett. Quelques mois plus tard, le bras droit de Taraki, Hafizullah Amin, l’assassina et prit le pouvoir. La situation du pays ne faisait que se détériorer, des centaines de personnes disparurent.
En 1979, l’Union soviétique décida d’envahir le pays, assassinant Amin. Ce fut le début de la guerre entre les deux nations, qui dura neuf ans et coûta la vie à plusieurs milliers d’Afghans. La présence soviétique n’épargna pas les bibliothèques. En 2006, l’American Library Association (ALA) publia un compte rendu de mesures prises à l’encontre de la Russie où l’on peut lire ceci : « the Association urges the Soviet Union to restore library service to the citizens of Afghanistan through the return and/or replacement of those intellectual and historical materials it has taken and reconstruct those facilities housing them to make them available to Afghan public ». L’association expliqua que de telles mesures à l’égard de l’Union soviétique étaient le résultat de plusieurs années de destruction systématique des bibliothèques et de certains centres archéologiques et historiques. Cette guerre développa une militarisation de la population, induisant une police et des civils lourdement armés, ce qui devint progressivement une norme (Mannani, 2014).
C’est lors de cette seconde guerre civile qu’apparurent les talibans, initialement une milice d’étudiants provenant d’écoles islamiques au Pakistan. Leur progression jusqu’à la capitale afghane fut plus que violente et condamnée sur la scène internationale. Ils prirent possession du gouvernement en 1996 et appliquèrent la loi islamique de la charia. En 1998, les talibans détruisirent la bibliothèque de Pol-e-Khomri, au nord du pays, où se trouvaient plus de 55 000 volumes. Même sort pour les archives nationales, le musée de Kaboul et la plupart des bibliothèques dans les grandes villes. La bibliothèque de l’Université de Kaboul abrita quelques 220 000 volumes. Elle n’en compta plus que 700 à la fin de la guerre. Rebecca Knuth (2006) détailla la violence et la haine dont certains talibans firent preuve envers les bibliothèques et les livres : « In Afghanistan in the 1990s, young, uneducated Taliban soldiers were known to burst into libraries and train their machine guns on books in English. Anatomy books and any books with illustrations were purged or burnt in campaigns that pitted the regime against modernization, secularization, internationalism. » (p. 27)
En 2001, les États-Unis décidèrent d’intervenir en Afghanistan pour de multiples raisons. Ils y restèrent afin d’y maintenir, d’après eux, la paix. Sous les ordres du gouvernement de Donald Trump, les troupes commencèrent à se retirer en avril 2021. Les talibans reprirent le pouvoir en août de la même année.
Types de bibliothèques
Le portrait des bibliothèques en Afghanistan est très difficile à brosser en raison du fait qu’il existe très peu de données pour les recenser. En 2016, Rebecca L. Miller, directrice de la bibliothèque de l’Université américaine de Kaboul (AUAF), publie un rapport de recensement des bibliothèques du pays et de leurs services. Il s’agit vraisemblablement de la première tentative du genre et la plus complète, les précédentes ayant surtout visé à simplement identifier les bibliothèques du pays (Miller, 2016). De plus, la situation humanitaire a forcé l’intervention de différents partis, internes et externes au pays, pour le financement et la fondation de plusieurs institutions. Voici donc un portrait d’ensemble sur les types de bibliothèques et les défis auxquels elles sont confrontées.
Bibliothèque nationale
Tout d’abord, il faut noter l’absence d’une institution officielle faisant office de bibliothèque nationale en Afghanistan. Selon Wiles (2015), la bibliothèque centrale de l’Université de Kaboul a déjà été considérée comme la bibliothèque nationale par défaut, faute d’officialisation de la chose. Elle a toutefois perdu cette réputation avec sa destruction durant la guerre civile des années 1990. Il existe différentes causes pour l’absence de la mise en place d’une telle institution tout au long de l’histoire du pays. D’une part, l’instabilité politique du pays rendait difficile l’établissement d’une institution pérenne pour conserver son histoire. Cette instabilité forcait les autorités à concentrer les dépenses dans d’autres secteurs, notamment l’armée, les services civils et l’éducation. D’autre part, le faible taux d’alphabétisation de la population et les régimes autocratiques des gouvernements sont pointés du doigt dans la mesure où l’accès à l’éducation supérieure rendait difficile la mise sur pied d’une initiative de mise en commun des ressources documentaires portant sur l’histoire et la culture du pays (Wiles, 2015).
Bibliothèques scolaires
Les bibliothèques scolaires ont semblé recevoir le meilleur soutien pour leur développement durant l’occupation américaine. Ceci s’explique largement par le fait qu’elles étaient en grande partie l’objet de mobilisations de diverses ONG internationales pour appuyer l’alphabétisation et l’accès équitable aux livres pour les jeunes filles. Ainsi, Relief International et Canadian Women for Women in Afghanistan (CW4WAfghan) rapportent avoir équipé respectivement 275 et 260 bibliothèques d’écoles afghanes sur leurs sites web. Relief International estime avoir pu fournir 82 500 ouvrages tandis que CW4WAfghan aurait contribué à l’alphabétisation de plus de 3 100 diplômés au pays en date de 2022. Un tel flux de livres provenant de l’aide extérieure a donc grandement contribué à l’actualisation des collections des bibliothèques scolaires et, dans certains cas, à la mise en place d’une collection et d’un nouvel espace pour celle-ci au sein de l’école (Miller, 2016).
Bibliothèques de recherche
Les bibliothèques de recherche se font très peu nombreuses en Afghanistan. Seulement 10 ont été recensées dans le rapport de Miller (2016). Parmi celles-ci, la bibliothèque de l’Afghanistan Center at Kabul University (ACKU) et celle de l’Afghanistan Research and Evaluation Unit (AREU) sont les plus en vue, avec des collections portant sur l’Afghanistan et constituant un point d’accès à de nombreuses sources primaires sur le pays. Par exemple, la bibliothèque de l’AREU comporte des annales du pays ainsi que des documents législatifs remontant à 1920 (AREU, s. d.) tandis que celle de l’ACKU contient une base de données sur les lois afghanes dans trois langues (le pachto, le farsi-dari et l’anglais) (ACKU, s. d.). Ces bibliothèques étaient accessibles au public afghan et à la communauté de chercheurs internationaux, mais seulement en consultation sur place dans le cas de l’AREU. Pour ce qui est de l’ACKU, des efforts de numérisation de la collection avaient été entamés, mais aucune mise à jour n’a été faite sur le processus après le retour au pouvoir des talibans. Malgré l’effort de ces institutions, l’absence d’une instance responsable de systématiquement collectionner tous les documents administratifs, historiques et culturels sur le pays rend difficile le travail des chercheurs, qui demeurent dépendants des collections fragmentées – bien qu’essentielles –de ces institutions (Wiles, 2015).
Bibliothèques publiques
Contrairement aux bibliothèques dites religieuses ou familiales, les bibliothèques publiques ne sont pas très anciennes en Afghanistan (Dumont-Faineux, 1970). De fait, la première de notre époque moderne remonte à 1924 alors qu’une collection de manuscrits que détenait le prince Nasrullah a été mise à disposition du public afghan (Hatch Dupree, 1999). Cette initiative n’a peut-être pas duré, mais plusieurs autres en ont découlé. Dans les décennies qui ont suivi, une trentaine de bibliothèques publiques ont été créées dans les provinces (Hatch Dupree, 1999). Cependant, sur cette question, les opinions des auteurs-rices varient : Dumont-Faineux (1970) prétend plutôt qu’il ne s’agissait pas véritablement de bibliothèques publiques en raison de l’absence de direction commune.
Le climat instable marqué par la guerre dans lequel se retrouve plongé l’Afghanistan a des effets indéniables sur les bibliothèques, notamment les bibliothèques publiques. Celles-ci ont été la cible de plusieurs attaques, et leurs espaces ont même été investis par des forces armées (Hatch Dupree, 1999). Puis, sous les talibans, elles ont été peu entretenues et soutenues (Hatch Dupree, 1999). L’institution de la bibliothèque publique a été mise à mal, ses collections, ses ressources et ses lieux ont été endommagés, détruits, perdus.
La plus grande et la plus importante bibliothèque de Kaboul est la bibliothèque publique de Kaboul, construite en 1957. Il s’agit également de la plus grande et de la plus importante de l’Afghanistan (Camins-Esakov, 2008; Dumont-Faineux, 1970). En 1970, Dumont-Faineux dénote que bien qu’il existe une grande pluralité de services, ressources et activités offerts au sein de cette bibliothèque, la plupart des membres de son personnel ne sont pas formés professionnellement.
Enfin, le clivage entre la ville de Kaboul et les régions rurales constitue une composante clé de la situation des bibliothèques publiques en Afghanistan. Bien que des initiatives aient été entreprises et que des réseaux aient été tissés, de profondes lacunes demeurent, et les régions rurales sont peu desservies. C’est dans un tel contexte que le projet du Asia Regional Integration Center (ARIC) des bibliothèques ambulantes a été mis sur pied. Bien que cette initiative relève de groupes onusiens et non gouvernementaux, la plupart des organisations non gouvernementales impliquées sont gérées par des Afghans (Hatch Dupree, 1999) .
Bibliothèques universitaires
Au milieu des années 1990, on compte six universités en Afghanistan, et chacune d’elles comprend sa propre bibliothèque (Hatch Dupree, 1999). Bien qu’elles œuvrent au sein de milieux différents, les bibliothèques universitaires afghanes partagent plusieurs caractéristiques et sont sensiblement confrontées aux mêmes défis. Leur désuétude, leur manque de financement et leur structure absente ou déficiente en constituent les principales composantes (Hatch Dupree, 1999). L’absence ou le manque de formation parmi les membres du personnel est également une constante au sein de celles-ci : plusieurs se sont notamment exilés pendant la guerre (Camins-Esakov, 2008; Hatch Dupree, 1999).
Malgré leurs nombreux points en commun, chacune de ces bibliothèques comporte ses propres particularités. Le profil de la bibliothèque de l’Université de Kaboul, par exemple, se trouve spécialement teinté par les traces des influences internationales qui se sont manifestées au cours des dernières décennies. Cette bibliothèque se distingue donc par la grande variété de la provenance de ses documents (Camins-Esakov, 2008). Sa collection, bien qu’elle comprenne un nombre significatif de sources de première main, demeure vieille, dépassée : « The stacks are stuffed with books from the late-1960s that were catalogued according to the Library of Congress Classification. » (Camins-Esakov, 2008, p. 5) Enfin, en 2002, Sadiq Wadid, maître-assistant à la faculté de littérature, devient le directeur de la bibliothèque : il entame des démarches de reconstruction et de réorganisation et tâche de tisser des réseaux de solidarité internationaux, notamment avec l’Iran et le Pakistan (Talab, 2002).
Cette tendance aux influences étrangères traverse également plusieurs autres bibliothèques universitaires, telles que celle de l’Université polytechnique de Kaboul. L’instauration de cette université ayant été accompagnée par les Soviétiques au cours des années 1960, la majorité de la collection de sa bibliothèque relève de cette époque, et plusieurs de ses livres sont en langue russe (Camins-Esakov, 2008).
L’AUAF, elle aussi, a été fortement inspirée par des influences étrangères, ce qui s’est traduit dans sa bibliothèque. En effet, la bibliothèque de l’AUAF se démarque des autres bibliothèques universitaires du pays par son inclination aux collections plus modernes et par la présence assumée de son bibliothécaire occidental au poste de directeur – bien que ce dernier n’ait pas toujours reçu une formation professionnelle (Camins-Esakov, 2008).
Bibliothèques privées
Les bibliothèques privées, notamment des familles et des organisations religieuses et sociales, font partie intégrante du paysage des bibliothèques du pays. C’est le cas de celle de la Historical Afghan Society, qui recense quelques milliers de volumes et qui constitue un espace propice à la recherche (Dumont-Faineux, 1970). Les bibliothèques privées en Afghanistan ont cette propension à la participation communautaire, publique. De fait, notons le considérable apport des bibliothèques privées des instances étrangères à la société afghane. Bien que les bibliothèques de ces instances, telles que le American Center et le British Council, soient privées, celles-ci agissent, dans une certaine mesure, en tant que bibliothèques publiques, notamment en assurant à la population afghane de larges prêts de livres (Dumont-Faineux, 1970).
Cadre éducatif en sciences de l’information et des bibliothèques
Il n’existe actuellement aucune formation professionnelle en bibliothéconomie en Afghanistan, et peu de membres du personnel travaillant dans les bibliothèques afghanes ont bénéficié d’une formation en bibliothéconomie à l’étranger. La bibliothéconomie n’est pas considérée comme une profession qualifiée. Le personnel des bibliothèques publiques est généralement recruté dans d’autres départements et se voit muté après de courtes périodes sans avoir la possibilité de développer des compétences (Rebuilding the libraries of Afghanistan: report, 2011).
Comme dans de nombreux pays en développement, la priorité des gestionnaires de services d’information est d’organiser et gérer efficacement les livres et les documents et de servir leur clientèle avec un minimum de matériel et de technologies. La conservation des documents est également un enjeu important en raison de la surutilisation, de la négligence, des installations désuètes et des conditions climatiques arides (Rebuilding the libraries of Afghanistan: report, 2011).
Un rapport de 1977 préparé pour le gouvernement de la République d’Afghanistan par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, propose plusieurs recommandations pour le développement des bibliothèques. Par exemple, la recommandation 59 stipule ceci : « au moins deux membres du personnel devraient être envoyés à l’étranger pour une formation professionnelle complète en matière de catalogage et de classification » (Eyre, 1977). Il suggère que certains des problèmes qui assaillent le service des bibliothèques proviennent de l’utilisation d’un personnel peu intéressé par la carrière de bibliothécaire. Il y a également, au niveau de la direction, un besoin urgent de professionnels parfaitement formés, capables d’instruire, d’organiser et de diriger le personnel (Eyre, 1977).
En l’absence de formation officielle en bibliothéconomie, certains programmes de formation ont été mis en place par différents groupes afin de pallier ce manque d’expertise.
En 2002, Atifa Rawan, bibliothécaire à l’Université de l’Arizona, a lancé un projet visant à aider à reconstruire et restaurer les bibliothèques universitaires en Afghanistan. Rawan et un collègue, Yan Han, ont aidé à cataloguer et à numériser la collection du Centre afghan de l’Université de Kaboul tout en mettant en place une infrastructure que les 19 universités afghanes pourront utiliser pour accéder aux informations numériques. L’un des principaux objectifs de cette assistance était d’enseigner les compétences techniques nécessaires au personnel sur place afin qu’ils soient en mesure d’entretenir le système de manière autonome. (Everett-Haynes, 2008)
Rawan a également apporté son soutien aux bibliothèques de l’Institut de médecine de Kaboul et de l’Université de l’éducation, en dispensant une formation aux membres de leur personnel. Elle a également passé du temps en Afghanistan en 2005 pour former les professeurs, le personnel et les étudiants de Kaboul au système informatique. (Everett-Haynes, 2008)
En 2009, un partenariat entre l’AUAF et la Texas A&M University au Qatar a également permis d’offrir un soutien au personnel afghan. Les principaux obstacles rencontrés par la bibliothèque de l’AUAF étaient le manque de personnel formé et expérimenté et l’absence de possibilités de formation. Il existe très peu de programmes de formation professionnelle en bibliothéconomie en dehors des pays développés, et les technologies actuelles exigent une formation continue et une familiarisation avec les meilleures pratiques. Dans les régions en développement, les budgets insuffisants maintiennent souvent les installations et les services à un niveau minimal (Thompson, 2010).
Une évaluation de 2013 réalisée par une délégation de la Bibliothèque nationale d’Iran sur les bibliothèques afghanes a révélé un besoin de matériel et de formation, ce qui a conduit à l’organisation d’une formation à court terme pour 55 bibliothécaires afghans à l’Université de Kaboul, ainsi que 15 jours de formation pour 24 bibliothécaires afghans, en Iran (Amirkhani. 2013).
Avec le soutien d’experts et de donateurs internationaux, un programme approprié de formation professionnelle peut être développé et mis en œuvre. Cependant, le soutien devra venir de l’extérieur de l’Afghanistan, car le gouvernement afghan n’a ni la capacité financière ni la capacité technique. Malheureusement, depuis 2021, la portée de l’aide internationale est grandement limitée au pays.
Association de bibliothèques
En 1971 fut créée l’association des bibliothèques d’Afghanistan, prônant le développement de la littéracie, du système de bibliothèque nationale ainsi que la création d’une école de bibliothéconomie. Ils luttent également pour la protection des bibliothécaires et toutes autres personnes reliées à la profession. Son créateur, Adbul Rasul Rahim, était étudiant de l’Université de Kaboul. L’association publie des articles de manière irrégulière dans la Bibliographie Nationale d’Afghanistan.
La Digital Libraries Alliance (DLA) a été mise sur pied en 2005 dans le cadre de l’initiative Afghan eQuality Alliances: 21st Century Universities for Afghanistan financée par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et l’Université de l’État de Washington. L’objectif de la DLA était, entre autres, de renforcer la capacité des bibliothèques et des bibliothécaires afghans à travailler avec des plateformes de catalogage libre et d’améliorer l’accès aux ressources pour les universités participantes (USAID, 2019).
Cadre législatif
Le ministère de l’Information et de la Culture (MoIC) est structuré autour de quatre domaines sectoriels : culture, publications, tourisme et jeunesse ; dont chacun est supervisé par un sous-ministre. Le département le plus important est celui de la Culture et du Patrimoine, qui veille au développement des arts, dont celui des bibliothèques et des archives nationales. Le Département des bibliothèques publiques est responsable du réseau national des bibliothèques publiques.
En mars 2021, le ministre par intérim de l’Information et de la Culture, Mohammad Tahir Zuhair, lors d’une cérémonie tenue à l’occasion du 100e anniversaire de la création des bibliothèques publiques, a déclaré : « Si nous voulons le changement et le développement, nous devons nous tourner vers les livres » (Kabul Times, 2021). Il a présenté le règlement sur la gestion des affaires des bibliothèques, demandant au président du pays de coopérer à la mise en œuvre du projet de construction d’une bibliothèque nationale dans le pays.
Le MoIC a commencé à reconstruire les bibliothèques publiques au cours des dernières années. Ces bibliothèques sont des initiatives lancées par les gouvernements locaux en reconnaissance de la nécessité de fournir un accès aux livres pour soutenir une culture de la lecture. Le MoIC s’est également engagé, en 2016, à dépenser 2,5 millions d’afghanis pour acheter des livres publiés localement afin de les distribuer aux bibliothèques publiques ; un investissement qui visait également à stimuler l’industrie locale de l’édition (Bakhtar New Agency, 2016).
À la suite de la prise de contrôle par les talibans en août 2021, les institutions culturelles du pays ont été immédiatement paralysées et ont cessé toutes activités.
Information complémentaire ou particularités
L’Afghanistan est et a été confrontée à de nombreux défis au cours des dernières décennies, et les infrastructures de ses bibliothèques en ont écopé. La perte de plusieurs parties de leurs collections, les carences aux niveaux du nombre et de la formation du personnel ainsi que les enjeux socio-économiques du pays ont forcé les bibliothèques à envisager des avenues innovantes. Plusieurs initiatives ont alors vu le jour, notamment celles de la DLA ou du partenariat avec l’Université de l’Arizona mentionnées ci-dessus. De pareilles initiatives s’inscrivent dans ce mouvement de collaboration internationale et transnationale qui traverse l’Afghanistan – et le milieu de ses bibliothèques. Des réseaux de partage et de solidarité ont été tissés avec des États, mais aussi avec des personnes et des institutions, sur des bases individuelles et associatives (Thompson, 2010). Il s’agit d’une composante clé du portrait des bibliothèques afghanes.
Références
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