4 Bénin
(Florian Alatorre, Bernus Amoussouga, Amélie Rols et Frédéric St-Sauveur)
Profil du pays
Aux origines, la terre de l’actuel Bénin était occupée par plusieurs royaumes. Les plus en vue s’appelaient Danxomè (Abomey), Xogbonou (Porto-Novo), Allada, Nikki, Kouandé, Kandi… Ainsi, le pays était jadis un foyer de civilisations anciennes et brillantes, bâties autour de ces royaumes. En 1894, les Français, vainqueurs des rois locaux, ont créé la colonie du Dahomey et dépendances. Le territoire prend le nom du royaume le plus prépondérant et le plus résistant à l’occupation étrangère : Danxomè avec son légendaire roi Béhanzin (Idohou, 2018). Proclamé République le 4 décembre 1958, le Bénin a accédé à la souveraineté internationale le 1er août 1960, sous le nom du Dahomey. Le pays est connu pour l’exemplarité de son processus démocratique entamé en février 1990, suite à la Conférence nationale des forces vives. Le 11 décembre 1990, une nouvelle loi fondamentale, celle de la Ve République, fut promulguée après son adoption par voie référendaire. Elle reflète bien les décisions de la Conférence nationale. Elle a pour trame la démocratie et l’État de droit. Elle opte pour un régime républicain présidentiel.
La capitale du Bénin est Porto-Novo, sa langue officielle est le français et sa monnaie est le franc CFA. L’actuel président de la République est l’homme d’affaires Patrice Talon, qui a succédé à Boni Yayi lors des élections du 20 mars 2016. Sur le plan administratif, le Bénin compte douze (12) départements, conformément à la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant sur l’organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin. Ces départements sont l’Alibori, l’Atacora, l’Atlantique, le Borgou, les Collines, le Couffo, la Donga, le Littoral, le Mono, l’Ouémé, le Plateau et le Zou. Ils sont subdivisés en soixante-dix-sept (77) communes, dont trois (3) à statut particulier : Cotonou, Porto-Novo et Parakou.
Histoire
L’Afrique est le berceau de bibliothèques comptant parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses (Alexandrie, pour ne nommer que celle-là), mais l’histoire des bibliothèques et de la science de l’information au Bénin n’échappe pas aux grands défis qui touchent une majorité de pays de l’Afrique subsaharienne. Au Bénin comme dans nombre de pays limitrophes, les premières collections de documents ont été réunies dans un contexte de conquête, pour servir directement l’administration coloniale et exercer un contrôle intellectuel et religieux. Les élites françaises et les missionnaires ont rassemblé des documents qu’ils jugeaient importants pour les populations locales, au mépris des coutumes et des pratiques d’échange d’information déjà en place. Or, malgré l’absence de tradition écrite au Bénin avant la colonisation européenne, il est impossible aujourd’hui de passer sous silence l’existence bien réelle d’une « bibliothéconomie orale », étant donné que les sociétés traditionnelles comptaient sur la présence de spécialistes de l’information, dont la fonction sociale reposait sur la transmission des histoires locales dans la sphère publique (Bowdoin et Lee, 2017).
Un autre grand dénominateur régional marque l’évolution de la bibliothéconomie au Bénin à la faveur des mouvements d’émancipation et d’indépendance des années 1960 en Afrique de l’Ouest. L’aliénation des cultures africaines, inscrite dès l’apparition des premiers corpus documentaire, s’est poursuivie avec plus d’acuité dans les anciennes colonies françaises (comme le Bénin) que dans les territoires sous contrôle britannique. En effet, si la tradition britannique a laissé un héritage quant à la place des bibliothèques publiques et à leur rôle pour accompagner l’État-nation et favoriser le progrès, les bibliothèques françaises étaient plutôt envisagées comme un dépôt symbolique d’un héritage à préserver. La transition post-coloniale aurait ainsi été marquée par un vide sur le plan de l’expertise en gestion documentaire (Bowdoin et Lee, 2017). Bowdoin et ses collègues soulignent d’ailleurs que les premiers grands sommets africains en sciences de l’information du début du XXe siècle étaient en grande partie représentés par des pays anglophones (2017).
Le Bénin s’est tout de même engagé sur la voie de la promotion des sciences de l’information, avec la fondation d’une bibliothèque nationale et le développement des filières techniques et universitaires (voir plus bas). L’infrastructure de la recherche béninoise ne profite pas encore d’une grande résonance dans les cercles occidentaux, mais une première génération de professionnels de l’information se fait entendre pour combler les retards de cette infrastructure. Un barrage d’études en appelle à un développement de la culture numérique et du parc informatique comme voie d’avenir pour éviter que le pays demeure en marge de la révolution de l’information (Akodigna, 2001; Nwalo, 2000; Mêgnigbêto, 2007a). Nwalo prône aussi une politique d’acquisition agressive pour monter une collection Africana, afin de projeter une image positive de l’Afrique et de contribuer à la diffusion de son riche patrimoine culturel et informationnel (2000).
Types de bibliothèques
Bibliothèque nationale du Bénin
La Bibliothèque nationale du Dahomey a été créée le 28 novembre 1975, et est ensuite renommée Bibliothèque nationale du Bénin en 2014 (Idohou, 2018). La Bibliothèque nationale du Dahomey était à l’origine située dans un bâtiment de l’ex-Assemblée nationale dans le centre-ville de Porto-Novo. Elle déménage en 1985 dans de nouvelles infrastructures dans le quartier de Ouando, afin d’accueillir ses collections qui débordaient la capacité des premières installations (Sossouhounto, 1994). La Bibliothèque nationale du Bénin y est toujours située, à proximité des Archives nationales (Aglipko, 2022). Elle est constituée de trois bâtiments, consacrés à l’administration et aux services techniques, aux services au public et aux dépôts (Zogo, 2004). Elle est désignée en 2021 par le décret 2021-208 comme un établissement public à caractère social et scientifique. Avec la loi 2020-20 du 2 septembre 2020, son rôle est réenvisagé comme un soutien à la création, à l’organisation et au fonctionnement des entreprises publiques en République du Bénin. De plus, l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique la considère comme une personne morale financièrement autonome, bien qu’elle demeure sous la tutelle du Ministère chargé de la culture (République du Bénin, 2021a). Le décret 2021 – 224 émis le 12 mai 2021 établit la constitution du conseil d’administration de la Bibliothèque nationale et nomme à sa présidence Eric Folly Totah (République du Bénin, 2021b). La Bibliothèque nationale a pour principale mission la conservation du patrimoine national comprenant la totalité des documents sonores, imprimés ou graphiques produits à l’intérieur du Bénin, portant sur le Bénin et produits à l’extérieur du territoire national ou par des citoyens béninois à l’étranger. Pour ce faire elle :
- exerce, conformément aux lois et règlements en vigueur, les missions relatives au dépôt légal dont elle assure la gestion en sa qualité de dépositaire national;
- assure le contrôle bibliographique, élabore et diffuse la bibliographie nationale, rassemble et catalogue les collections béninoises et étrangères d’imprimés, de manuscrits, de spécimen de billets de banque, de monnaies et médailles, d’estampes, de photographies, de cartes postales, de cartes et plans, d’œuvres musicales et cinématographiques et de documents sonores, audiovisuels, informatiques et électroniques;
- assure la tutelle du réseau public de lecture, promeut le prêt inter-bibliothèques au Bénin et entre le Bénin et l’étranger;
- conçoit, met en œuvre et évalue le plan de gestion, d’animation et d’extension du réseau public de lecture;
- recueille, préserve, conserve et diffuse la totalité de la production nationale imprimée et sonore, acquise soit par dépôt légal, soit par achat, soit par don ou legs et toutes les publications produites sur le Bénin à l’étranger;
- assure l’accès du plus grand nombre aux collections, notamment par la dématérialisation des collections du patrimoine documentaire national, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec la conservation de ces collections;
- assure la mise en œuvre de la politique de dématérialisation de la gestion du patrimoine documentaire national, de sa conservation électronique, de la numérisation systématique des fonds rares ou en péril;
- participe à l’activité scientifique nationale et internationale par l’élaboration et la mise en œuvre de règles nationales et communautaires ou d’accords internationaux et participe au soutien à l’activité nationale et internationale de promotion du livre et de la lecture publique par diverses formes d’appuis aux activités de création et d’animation littéraires;
- représente le Bénin dans les instances internationales traitant des questions en rapport avec ses missions. (République du Bénin, 2021a)
Depuis 2021, la Bibliothèque nationale a entrepris plusieurs réformes, notamment en ce qui a trait à la numérisation de ses services. Le ministère de la Culture a mis en charge le conseil d’administration et le directeur de la Bibliothèque nationale, Koffi Attédé de procéder à la modernisation du réseau des bibliothèques béninoises. Ceci comprend entre autres le renouvellement des collections et la dématérialisation des ressources éditoriales et bibliographiques (Aglipko, 2022). Au cours de l’année, le processus de demande de numéros ISSN, ISBN et de dépôt légal, ainsi qu’un accès au catalogue numérique national ont été déployés en ligne. La Bibliothèque nationale devrait prochainement mettre en place sur son site Internet un extranet du dépôt légal, une carte interactive des bibliothèques sur le territoire national, la liste des éditeurs et libraires agréés, ainsi que l’accès en ligne aux mémoires et thèses et aux collections des bibliothèques publiques (Aglipko, 2022; Gouvernement de la République du Bénin, 2022).
Bibliothèques universitaires
Le Bénin compte depuis 2016 quatre universités publiques : l’Université d’Abomey Calavi (UAC), l’Université de Parakou (UP), l’Université des sciences, technologies, ingénierie, et mathématiques (USTIM) et l’Université nationale d’agriculture (UNA). Les bibliothèques universitaires comptent la Bibliothèque centrale de l’UAC, le Centre de documentation et d’information (CDI) de l’UP, les bibliothèques et les centres documentaires des facultés et autres entités de l’UAC et de l’UP. Leurs fonctions comprennent : l’accompagnement et le soutien de l’enseignement et de la recherche; la diffusion de la production scientifique et pédagogique de l’université; l’identification, l’acquisition et l’accessibilité des ressources documentaires essentielles aux étudiants, aux enseignants et aux chercheurs (Idohou, 2008). Le catalogue commun des bibliothèques de l’UAC répertorie quatorze (14) bibliothèques et cinq (5) centres documentaires (Université d’Abomey Calavi, 2011a). Le CDI de l’UP offre l’accès à des documents sur la santé et la médecine, l’agronomie, les arts et la culture, la géographie, l’économie, la gestion, la psychologie, la littérature, les langues, la finance, l’informatique, la démographie et les statistiques et aux mémoires et thèses des anciens étudiants (Université de Parakou, 2010). Le CDI n’offre pas de ressources numériques. Les services de prêts à domicile et de consultation sur place sont gratuits pour les étudiants.
Plusieurs problématiques affectent le milieu des bibliothèques universitaires béninoises. On y observe notamment un manque de ressources humaines et documentaires. Diarra rapporte le faible taux d’encadrement des étudiants. Il recense en 2019 un taux d’encadrement de 0,03 % pour la bibliothèque centrale de l’UAC, soit un professionnel pour 3 333 élèves, et un taux d’encadrement de 0,75 % pour la bibliothèque de la faculté des sciences de Cotonou, soit un professionnel pour 133 élèves (Diarra, 2019). Un autre enjeu réside dans la composition des collections. Diarra indique un manque au niveau des périodiques et calcule un taux de 2,15 volumes par étudiant pour les universités du Bénin, alors que le rapport Miquel préconise un taux de 35 à 100 volumes par étudiant (Diarra, 2019). Cette situation s’explique en partie par l’augmentation continue des frais d’abonnement aux éditeurs scientifiques (Tessy, 2016). Le recours aux ressources en libre accès peut représenter une solution de rechange. Le catalogue commun des bibliothèques de l’UAC propose par exemple plusieurs ressources en libre accès, néanmoins plusieurs des liens Internet sont obsolètes, ou alors les initiatives, comme Libre accès à l’information scientifique et technique ou Dart-Europe, ont cessé d’exister (Université d’Abomey Calavi, 2011b). Par ailleurs, le manque de ressources technologiques matérielles, la prépondérance de l’anglais dans les publications scientifiques numériques et la méconnaissance des ressources numériques sur le web dressent de sérieux obstacles à l’utilisation de telles ressources pour les étudiants béninois (Tessy, 2016). Dans le cas des universités privées, l’absence de bibliothèques physiques participe entre autres à la dévaluation et la non-reconnaissance de leurs diplômes (Vidjingninou, 2021).
Bibliothèques du réseau institutionnel de lecture publique
Les bibliothèques du réseau de lecture publique sont des institutions publiques appartenant à l’État et relevant du Ministère chargé de la culture (Idohou, 2018). Elles comprennent les bibliothèques départementales (BD), les bibliothèques de quartier (BQ), les centres de lectures publiques (CLP) et les centres de lecture et d’animation culturelles (CLAC) (Bibliothèque nationale du Bénin, 2022; Idohou, 2018). Le réseau institutionnel de lecture publique a pour objet d’encourager et d’assurer l’alphabétisation et l’accès au livre et à l’information à la population du Bénin (Idohou, 2018). Il comprend en plus de la Bibliothèque nationale 29 espaces de lectures dans les villes de Grand-Popo, Bopa, Athiémé, Houéyogbé, Dogbo, Lalo, Toviklin, Klouékamey, Djakotomey, Aplahoué, Bassila, Badjoudè, Kérou, Boukombé, Tanguiéta, Toucountouna, Kouandé, Péhunco, Matéri, Cobly, Ouidah, Parakou, Natitingou, Cotonou, Comé, Kandi, Pobè et Savalou (Morgan, 2021).
Les récentes réformes entreprises par la Bibliothèque nationale comprennent la modernisation de ces installations. Elles prévoient la construction de deux nouvelles bibliothèques départementales à Lokossa et à Abomey, qui s’ajouteront aux six installations déjà existantes (Idohou, 2018; Aglipko, 2022), la réhabilitation de l’ensemble des infrastructures du réseau et le renouvellement de leurs collections (Mehouhenou, 2021). Comme l’alphabétisation occupe une place importante dans le projet de modernisation du réseau, la politique d’acquisition de la Bibliothèque nationale promeut les langues nationales et favorise les ouvrages produits en fon, yorouba, bariba, goun, adja, xla, guin, aïzo, ditammari, tem, yom, peul et fulfulde (Morgan, 2021).
Bibliothèques scolaires et autres types de bibliothèques
Les bibliothèques scolaires béninoises sont caractérisées par une situation critique. Selon une étude de Stéphane Senon menée en 2013, 80 % des enfants scolarisés interrogés à Cotonou rapportent n’avoir jamais fréquenté de bibliothèques scolaires, voire ne pas y avoir accès. Elles sont presque inexistantes, et celles qui existent sont très peu garnies en documents. Ce sont donc des structures hors du service public qui pallient le manque de bibliothèques dédiées aux jeunes scolarisés. Il y a deux configurations possibles : les bibliothèques gérées par des institutions étrangères implantées au Bénin et les bibliothèques implantées par des organisations non gouvernementales (ONG).
Dans la première configuration, nous trouvons les bibliothèques ouvertes par des centres culturels étrangers présents sur le territoire béninois dans le cadre de missions diplomatiques. La médiathèque de l’Institut français à Cotonou implantée depuis 1963 rassemble 30 000 documents. Bien que sa mission soit la promotion de la culture française au Bénin, elle œuvre en partenariat avec des acteurs locaux. Par exemple, le programme « inscription collectivité » offre des tarifs d’inscription réduits pour les élèves d’écoles, collèges et lycées de Cotonou (Djogbenou, 2015). Il y a aussi la médiathèque du Centre Américain de Cotonou, qui rassemble une importante collection en anglais et en français de documents éducatifs spécialisés dans les affaires, l’économie et la gestion (American Center Cotonou), ainsi que la bibliothèque du Centre Culturel Chinois (Idohou, 2018).
Plus sporadiquement, on trouve des bibliothèques créées par des ONG ou des ordres religieux. Il est difficile de brosser un portrait exhaustif de ces espaces, car leur existence est dépendante des fonds et des ressources qui leur sont accordés. Certaines se démarquent cependant par leur envergure et leur succès. On peut citer comme exemple les mini-bibliothèques de la Fondation Zinsou à Cotonou, qui offrent un accès gratuit sur place à des livres dans quatre quartiers de Cotonou (Sonon, 2014) pour les enfants, les adolescents et les adultes. Cette ONG était originellement investie dans la promotion de l’art contemporain auprès des enfants, mais a étendu sa mission à la promotion de la lecture en 2009. Le but de cette initiative n’est pas de remplacer les bibliothèques scolaires, mais plutôt d’encourager l’initiation à la lecture. Un autre exemple est le réseau des bibliothèques du Conseil des Activités Éducatives du Bénin (CAEB), une ONG d’utilité publique reconnue par le gouvernement béninois depuis 2008 (Idohou, 2018) qui gère un réseau de centres de documentation implantés à Porto-Novo, Lokossa, Abomey, Parakou, Natitingou et Djougou. Le partenariat entre des ONG et le réseau scolaire semble être pour l’instant le modèle le plus apte à offrir un service de bibliothèque aux jeunes béninois.
Cadre éducatif en sciences de l’information et des bibliothèques
Au lendemain de l’indépendance, dans un effort pour pallier les lacunes en enseignements de la bibliothéconomie en Afrique francophone, l’UNESCO s’entend avec le Sénégal pour créer à Dakar le Centre Régional de Formation de Bibliothécaires (CRFB). Le centre dispensera dès son ouverture en 1962 une formation de huit mois à des étudiants du Bénin (Dione, 2015). En 1967, toujours dans le cadre d’une entente conjointe avec l’UNESCO, le centre sera rattaché à l’Université de Dakar et prendra le nom d’École de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD). Cette initiative représente alors une nouveauté pour les pays francophones, où le caractère scientifique et universitaire de la discipline n’allait pas de soi. L’EBAD aurait formé 2551 archivistes, bibliothécaires et documentalistes de près de 27 pays africains entre 1979 et 2009, ce qui en fait une véritable réussite sur le plan régional (Dione, 2015).
Sur le plan local, les disparités économiques et les freins à l’accès entre les centres urbains et les régions, mais aussi la mobilité relativement faible de la clientèle étudiante dans les pays de l’Afrique de l’Ouest poussent l’UNESCO à étendre la réflexion et à mettre sur pied son Programme général d’information (PGI) (Dione, 2015). L’objectif de ce programme, déployé entre 1981 et 1983, était de soutenir la création d’écoles nationales en sciences de l’information. Durant cette même période, le Bénin commandite des études de faisabilité dans la foulée de sa propre résolution à l’égard d’une école nationale. Cette école voit le jour en 1981, après l’annonce par le gouvernement de la création du Centre de formation aux carrières de l’information (CEFOCI), et avec le soutien notamment de l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Le centre sera éventuellement rattaché à ce qui est aujourd’hui l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) de l’Université d’Abomey-Calavi.
Les étudiants du CEFOCI sont formés pour planifier la création et la gestion de centres de documentation et contribuer au développement des centres existants. Le curriculum instauré en 1982 évolue timidement au départ, notamment en raison de l’absence complète d’ordinateur jusqu’au début des années 1990. Les premiers appareils et logiciels de gestion de base de données feront leur entrée avec le soutien de l’UNESCO, et les cours sur les technologies de l’information seront limités à des explorations largement théoriques et descriptives jusqu’à une période très récente. Un sondage mené auprès des étudiants au milieu des années 2000 révélait leur inquiétude à l’égard des écarts entre leur formation et l’état des connaissances en sciences de l’information, en particulier pour le volet des technologies de l’information (Mêgnigbêto, 2007b). Mêgnigbêto révèle aussi une étude de cette période qui fait état des problèmes d’employabilité des diplômés en raison de leurs lacunes et de leur faible expérience avec les technologies récentes (2007b).
Cela dit, le CEFOCI a formé environ 300 étudiants depuis sa création dans les disciplines de la bibliothéconomie, l’archivistique et la documentation (chiffres de 2006, Mêgnigbêto, 2007b). Ses étudiants proviennent en grande partie du Bénin, mais aussi de plusieurs pays voisins (Niger, Togo, Nigeria, Burkina Faso et Tchad). L’admission se fait sur la base d’un concours après l’obtention d’un diplôme d’études secondaires, et le programme universitaire de trois ans dispense maintenant des cours couvrant l’ensemble du spectre des notions de bibliothéconomie : catalogage, classification, gestion et administration, ressources humaines, techniques de recherche, anglais écrit et oral, bureautique et technologie de l’information.
Association de bibliothèques
L’Association pour le développement des activités documentaires au Bénin (ADADB) a vu le jour en République du Bénin le 1er juin 1980. Elle est régie par la loi du 1er juillet 1901 et les textes subséquents. Elle est apolitique, à but non lucratif sans distinction de sexe, de race et d’ethnie (PV de l’Assemblée générale constitutive). Il faut attendre le 27 mai 1986 pour qu’elle soit enregistrée sous le n° 86/002/MISPAT/DAI/S1/ASSOC au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration territoriale. Le 25 février 2022, elle changera officiellement de dénomination et deviendra Association des archivistes documentalistes et bibliothécaires du Bénin, ADADB (n° d’enregistrement du récépissé des modifications 2022/003/PISP/DC/SGM/DAIC/SAAP-ASSOC/SA).
La création de cette association ressort de la nécessité de contribuer à la valorisation du métier d’archiviste, de documentaliste et de bibliothécaire au Bénin. Selon ses nouveaux statuts en date du 14 juillet 2022, sa vision est d’être un creuset professionnel d’épanouissement et de perfectionnement des spécialistes de l’information documentaire (archivistes, documentalistes et bibliothécaires). Elle a pour mission de fournir aux spécialistes de l’information documentaire les conditions nécessaires à leur formation, à leur épanouissement professionnel et à leur engagement, afin qu’ils jouent pleinement leur partition au développement de leur pays.
L’association a pour objectifs :
- de promouvoir le développement des services de l’information documentaire, la formation professionnelle du personnel de l’information documentaire, la défense et la sauvegarde de leurs intérêts;
- de resserrer les liens de fraternité entre tous les professionnels des services de l’information documentaire résidant au Bénin ou à l’extérieur;
- d’établir des partenariats avec les associations œuvrant dans le domaine de l’information documentaire sur le plan national et international;
- de représenter les professionnels de l’information documentaire auprès des institutions et organismes nationaux et internationaux.
Ses moyens d’action consistent en des réunions, conférences, congrès, journées d’étude, formations professionnelles continues et stages de perfectionnement, publications, expositions, travaux relatifs aux services de l’information documentaire, constitution de commissions spécialisées et tout autre moyen contribuant au développement des métiers de l’information documentaire.
En 40 ans d’existence, elle a apporté son appui-conseil aux structures documentaires au Bénin, a formé des spécialistes en information documentaire et a publié des articles scientifiques dans son bulletin d’information INFODOC et sur son site web. L’ADADB, c’est aussi des journées d’étude, des plaidoyers, du lobbying et de la coopération documentaire. Elle est la seule association qui règne en maître au Bénin dans les milieux documentaires depuis la création du Centre de formation aux carrières de l’information (CEFOCI).
Cadre législatif
Comme nous l’avons vu plus haut, l’histoire juridique des bibliothèques commence avec l’établissement de la Bibliothèque nationale par le décret n° 75-308 du 28 novembre 1975, au lendemain de l’indépendance du pays (Zogo, 2004). Elle est par la suite renommée Bibliothèque nationale du Bénin (BNB) avec le décret n° 2014-770 du 29 décembre 2014. Dans cet élan, ce sont trente-trois bibliothèques publiques qui sont créées entre 1975 et 1986 dans le but de favoriser l’accès à l’éducation et à l’alphabétisation (Idohou, 2018). L’Association pour le développement des activités documentaires au Bénin est également enregistrée dans la loi en 1986 (voir section précédente). Cependant, après cet élan prometteur, les bibliothèques disparaissent de la législation.
La prochaine fois qu’on rencontre le terme « bibliothèque » dans une loi est en 1991 dans la Charte culturelle en République du Bénin (loi n° 91-006 du 25 janvier 1991), qui stipule que « L’État béninois favorise la création et le développement harmonieux des bibliothèques et des centres de lecture publique sur toute l’étendue du territoire national et leur assure les conditions nécessaires à la diffusion de l’information littéraire, scientifique et technique, à la promotion du livre et de la lecture et à la conservation du patrimoine éditorial national et étranger ». On retrouve aussi quelques références implicites aux bibliothèques dans la législation sous l’expression « infrastructures culturelles publiques ». Par exemple, le Ministère de la Culture et de la Communication signe en 1999 la convention AG/DCP-CLAC/bm/19990722-041 du 2 novembre 1999 avec l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) portant sur les « Centres de lecture et d’animation culturelle en milieu rural » (CLAC). Cependant, bien que reconnue juridiquement comme nécessaire, la place des bibliothèques reste fragile du fait que ces lois ne sont pas toujours accompagnées de décrets ou d’arrêtés garantissant leur application.
Cela étant dit, on observe dans les années 2000 une volonté de garantir juridiquement la place de la lecture – et par conséquent des bibliothèques – dans le paysage institutionnel du Bénin. Une série de décrets et d’arrêtés attestent de l’existence continue d’une direction aux appellations changeantes portant spécifiquement sur le livre, sous la direction du ministère de la Culture. Par exemple, la Direction Nationale de la Promotion du Livre et de la Lecture (DNPL) est établie par le décret n° 2009-243 du 9 juin 2009 et est rendue opérationnelle par l’arrêté n° 042/MCAPLN/DC/SG/DNPL/SA du 12 mars 2010 sous l’impulsion du Ministère de la Culture de l’alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (MCAPLN). Elle est née de la fusion de la Direction des bibliothèques et de la promotion littéraire (DBPL) et du Centre national d’animation et de lecture publique (NeNALP), tous deux créés par le décret n° 2007-445 du 2 octobre 2007. La mission de la DNLP est de garantir l’accès à la maîtrise de l’écriture et de la lecture aux Béninois. Outre cette mission d’alphabétisation, elle est chargée de la gestion des bibliothèques publiques et de soutenir l’industrie du livre au Bénin (Biaou, 2012). En 2016, cette institution est rebaptisée Direction des Arts et du Livre (DAL) par le décret n° 414 du 20 juillet 2016 et est rendue opérationnelle par l’arrêté n° 20/MTC/SGM/DAL/DAF/SA 006 SGG17, mais elle garde sensiblement les mêmes missions que la DNLP (Idohou, 2018).
Informations complémentaires et particularités
La présente étude est à jour en date de décembre 2022. Le ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts annonçait en août 2021 de grandes réformes dans le secteur du livre et de la lecture (gouvernement de la République du Bénin, 2021). Des réformes sont attendues pour moderniser l’ensemble du dispositif public, afin d’introduire plus de ressources numériques dans l’offre publique de services, de redéfinir complètement le découpage du réseau des bibliothèques départementales pour intervenir auprès de plus de Béninois, d’adopter une politique nationale du livre et de la lecture et de soutenir l’industrie béninoise du livre. Plus globalement, le but des réformes est d’améliorer l’accès de la population béninoise à la lecture. Cet élan de modernisation annonce donc d’énormes changements au niveau du réseau des bibliothèques publiques et aura également un impact conséquent sur le secteur privé. On peut déjà prédire que la numérisation des services s’annonce comme une solution de choix pour donner accès à la lecture aux Béninois. Pour conclure, les habitudes de lecture et de fréquentation des bibliothèques sont appelées à se transformer dans un futur proche.
Références
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Bibliothèque nationale du Bénin. (2022). Projet de Modernisation des Bibliothèques et Centres de Lecture Publique. https://www.tourisme.gouv.bj/projects/8/projets-phares__autres-projets/home
Bongibault, N. (2010) « Coopérer : du Loiret au Bénin ». Dans Bibliothèque(s) vol 50 : Région Centre. Association des bibliothécaires de France (ABF).
Bowdoin, N. T., & Lee, J. (2017). African Librarianship. Routledge Handbooks Online. https://doi.org/10.1081/E-ELIS4-120049506
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Dione, B. (2015). La formation des bibliothécaires en Afrique francophone subsaharienne : Aujourd’hui et demain. Conference: 1st AFLIA Conference & 3rd African Library Summit, At Accra, Ghana, Volume: http://ocs. aflia. net/index. php/AFLIA/aflia/paper/viewFile/6/9.
Djogbenou, L. S. (2015). Impliquer des acteurs extérieurs dans les animations de la bibliothèque pour favoriser l’adhésion des jeunes publics : L’expérience de la médiathèque de l’Institut français du Bénin.
Gouvernement de la République du Bénin. (2021). Modernisation du dispositif national de lecture publique : La Bibliothèque nationale du Bénin dotée d’un conseil d’administration. Gouvernement de la République du Bénin. https://www.gouv.bj/actualite/1441/modernisation-dispositif-national-lecture-publique-bibliotheque-nationale-benin-dotee-conseil-administration/
Idohou, S. (2018). La problématique de l’accès au livre et aux sources d’information au Bénin : Mise en place d’un projet de développement des bibliothèques de lecture publique au ministère en charge de la culture [Mémoire]. Institut Régional d’Enseignement Supérieur et de Recherche en Développement Culturel IRES-RDEC.
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