13 Japon
(Audrey-Anne Desrosiers, Geneviève Larocque, Léa Rose Tremblay, Sabrina Mac Gregor)
Profil du pays
Avec une population japonaise d’environ 127 millions d’habitants, les bibliothèques nippones doivent s’assurer d’être en mesure de desservir une large base d’usagers (Alix, 2021). La bibliothèque publique moderne de style occidental est apparue sur l’archipel japonais après la Seconde Guerre mondiale lorsque les États-Unis ont fait pression pendant l’occupation du territoire pour créer une réforme répondant aux normes de bibliothéconomie américaine. Depuis lors, le pays a développé des bibliothèques pour répondre aux besoins des usagers tout en suivant les normes occidentales (Harris et Thaler, 2020).
D’après la carte du monde interactive présentée par l’International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA), le Japon compte un total de 42 117 bibliothèques dans le pays, dont 1 558 bibliothèques académiques, 36 bibliothèques nationales, 3 360 bibliothèques publiques et 37 163 bibliothèques scolaires. Ces bibliothèques servent un total cumulatif de plus de 37 millions d’usagers par année (IFLA Library Map of the World, s. d.). Bien qu’on puisse constater une amélioration des services à travers les bibliothèques japonaises, plusieurs défis restent encore pertinents pour le domaine. Notamment, plusieurs se plaignent du manque de formation adéquate et du manque de professionnels formés en domaine de la bibliothéconomie et des sciences de l’information.
De plus, l’image de la bibliothèque typique reste inchangée et est vue comme étant un lieu d’étude et de collecte d’informations et de documents, et non comme étant un endroit de création, d’échange et de formation concernant les technologies numériques (Alix, 2021). On pourrait y voir une corrélation avec le phénomène Shoshikoreika (少子高齢化), c’est-à-dire le vieillissement de la population nippone, combinée à la diminution du taux de natalité à travers le pays. Il serait donc logique de penser que la stagnation de l’avancement des innovations dans les bibliothèques pourrait être liée à ce phénomène.
Histoire et bibliothèques : une chronologie de la bibliothéconomie au Japon
L’histoire des bibliothèques au Japon est étroitement liée avec un certain phénomène d’absorption des cultures étrangères. Comme le mentionne Welch dans Libraries and Librarianship in Japan, au chapitre de l’histoire des bibliothèques, le Japon a connu trois grandes périodes d’intégrations de concepts et d’idées provenant d’autres pays. En effet, on peut constater l’intégration de certains éléments culturels provenant de la dynastie Shang en Chine, de 1570 à 1045 av. J.-C (Welch, 1997). Ensuite, une deuxième période d’intégration d’idéaux provenant de la Chine a eu lieu des années 1860 à 1945. Ce sont les concepts acquis durant ces deux périodes spécifiquement qui ont influencé les débuts d’une bibliothéconomie dite moderne au Japon. En effet, le concept même de bibliothéconomie n’existait pas vraiment sur l’archipel japonais avant cette modernisation.
La bibliothéconomie était plutôt considérée comme étant une filière des départements d’éducation et de bureaucratie, sans être considérée comme étant un domaine à part entière. L’arrivée des bibliothèques privées et municipales est due encore une fois à un processus d’observation et d’absorption d’éléments provenant des pays européens et d’Amérique au cours des dernières décennies du 19e siècle (Welch, 1997). La période durant la Seconde Guerre mondiale, au milieu de l’ère Shōwa (昭和時代) (1926-1989) au Japon se caractérise par une diminution de l’accès à l’information, dû au contrôle et à la censure de l’information par l’armée, ce qui amènera une certaine restriction quant au développement des bibliothèques japonaises (Welch, 1997).
Ensuite, dû à la tragédie des extrêmes bombardements aériens dont le pays a fait face en 1945 durant la Seconde Guerre mondiale, les activités des bibliothèques ont complètement cessé et la moitié des collections des bibliothèques publiques brûleront, dont 655 000 volumes dans la région de Tokyo uniquement. De plus, on peut également constater une réforme du domaine visant à se conformer aux normes de bibliothéconomie américaines à la suite de l’occupation américaine qui a eu lieu lors de la Seconde Guerre mondiale (Welch, 1997).
Types de bibliothèques
En date de 2021, on dénombrait au total 42 884 bibliothèques au Japon, réparties comme suit : 1 519 bibliothèques universitaires, 36 bibliothèques composant la Bibliothèque nationale, 3 360 bibliothèques publiques et 37 979 bibliothèques scolaires. On y retrouve également près de 4 000 bibliothèques communautaires dédiées aux enfants et 1 761 bibliothèques spécialisées (Alix, 2021). L’ensemble de ces bibliothèques représente environ 3 millions d’usager·ère·s en milieu académique et 33 millions en bibliothèque publique (Alix, 2021).
Bibliothèque nationale
La bibliothèque nationale du Japon, la Bibliothèque nationale de la Diète, a été fondée en 1948, lors de la création de la Loi sur la Bibliothèque nationale (National Diet Library Law) et a pour mission d’acquérir et de préserver la documentation publiée au pays ainsi que d’appuyer les membres de la Diète dans l’exécution de leurs fonctions, en fournissant par exemple des services bibliothéconomiques à ses branches exécutives et judiciaires (Alix, 2021 ; Miura, 2012). Par ces missions, la BND se veut le symbole de la démocratie d’après-guerre du pays (Hirokuyi, 2012).
La bibliothèque est répartie en plusieurs succursales et bibliothèques affiliées présentes sur l’étendue du territoire japonais, conservant une collection d’environ 9 millions de livres et 11 millions de périodiques (Alix, 2021 ; Hirokuyi, 2012). En plus d’être la gardienne de tous les documents publiés au pays, assurant le dépôt légal, la Bibliothèque nationale de la Diète acquiert les ouvrages étrangers portant sur le Japon, notamment les documents concernant la période d’après-guerre (Alix, 2021 ; Hirokuyi, 2012). Elle constitue également le centre ISSN du pays depuis 1976 et est l’hôte de la branche asiatique du volet de Préservation et conservation de l’IFLA (Miura, 2012).
Depuis 2002, la Bibliothèque collectionne également de l’information et de la documentation numérique, offrant une multitude de services en ligne tels que des bases de données, la consultation de documents numérisés (Alix, 2021) et le prêt entre bibliothèques (Miura, 2012). Depuis quelques années, la loi sur le droit d’auteur a été révisée afin d’octroyer à la Bibliothèque nationale de la Diète le droit de numériser l’ensemble des œuvres de sa collection à des fins de conservation, sans avoir besoin de respecter les droits d’auteurs (Alix, 2021 ; Miura, 2012).
Bibliothèques scolaires
Les bibliothèques scolaires n’ont connu une certaine popularité qu’après la Seconde Guerre mondiale. Avant cela, les politiques scolaires n’encouragent pas la fréquentation de ces institutions et il a fallu attendre les recommandations de la « US Educational Mission » après la guerre, d’où découlent la réforme scolaire en 1947 et la loi sur les bibliothèques scolaires (Gakko Kyoiku-ho) de 1953, pour voir une augmentation de l’utilisation des bibliothèques et de la construction de celles-ci (Maruyama et Keriguy, 1985). Étant donné que les bibliothèques scolaires n’avaient pas de personnel formé et qualifié, l’importance de ces institutions de savoirs était mal comprise autant par le corps enseignant, que par les élèves et leurs parents, voyant surtout dans ce lieu un moyen de faire lire davantage les jeunes et de les éloigner de la télévision (Japan Library Association, 1994, p. 50). Cette même loi a cependant été modifiée en 1997, car même si elle obligeait les écoles à avoir une bibliothèque pour leurs élèves, elle n’obligeait pas celles-ci à engager des bibliothécaires enseignants pour assurer la gestion et le maintien des bibliothèques (Revue de l’Association des Bibliothécaires de France, 2012, p. 38 ‑39).
Au Japon, le poste de bibliothécaire scolaire (Gakko-shisho) ne nécessite pas de formation particulière et ceux occupant ce poste sont davantage considérés comme du « personnel technique ». Les bibliothécaires enseignants (Shisho-kyoyu 司書教諭) doivent, pour occuper ce poste, obtenir un certificat de bibliothécaire et assurer à la fois leurs fonctions d’enseignants et les activités éducatives et administratives de la bibliothèque scolaire (Rikkyo University, s. d.). Nous en parlerons un peu plus loin dans la section sur le cadre éducatif, mais ce manque de personnel qualifié au sein des bibliothèques scolaires pose plusieurs problèmes puisque celles-ci sont souvent laissées à elles-mêmes, les bibliothécaires enseignants n’ayant pas toujours le temps de faire la gestion de la bibliothèque en plus de ses tâches d’enseignement (Nakamura, 2008). Les bibliothèques scolaires seraient, selon Frances Alix, davantage soucieuses de se conformer à la loi que de la réussite des élèves (Alix, 2021).
Bibliothèques universitaires
La première bibliothèque en milieu académique au Japon a été fondée en 1886, dans la première université du pays, créée moins d’une décennie plus tôt (Alix, 2021). Aujourd’hui, l’ensemble des universités japonaises détiennent leur propre bibliothèque académique, tel qu’exigé par la loi. Plusieurs d’entre elles sont divisées selon les départements et facultés en place.
Afin d’appuyer les étudiant·e·s et les professeur·e·s dans leurs recherches, les bibliothèques académiques offrent généralement des services de référence à travers le département de circulation des ouvrages. Il n’y a toutefois pas de département spécifiquement dédié au référencement (Alix, 2021). Les bibliothèques académiques collaborent entre elles et ont mis sur pied un système de prêt entre les bibliothèques, en plus de partager leur système de notices bibliographiques, cette base de données étant gérée par l’Institut National d’Informatique (Alix, 2021). Plusieurs des bibliothèques académiques japonaises se sont également regroupées afin de partager des contrats d’accès aux périodiques, dont le coût d’abonnement a grandement augmenté récemment (Miura, 2012). De plus, dans une optique d’apprentissage tout au long de la vie, une des missions prioritaires des bibliothèques tant au niveau global que régional, les bibliothèques universitaires offrent généralement une étendue d’heures d’ouverture très large, afin d’améliorer l’accès des usager·ère·s avec des horaires du temps varié (Miura, 2012).
Bibliothèques publiques
La bibliothèque publique nippone est ainsi une institution plutôt récente, la première ayant vu le jour en 1872, dans un élan de modernisation de la société japonaise (Miura, 2012). Les bibliothèques publiques s’ancrent dans le paysage bibliothéconomique japonais en 1950, lorsque le pays se dote d’une loi sur les bibliothèques, prévoyant notamment le financement des bibliothèques publiques par l’impôt, dans l’optique de répondre gratuitement aux besoins d’information du public nippon (Miura, 2012). Conséquemment, le nombre de bibliothèques publiques, et la diversité de leurs services ont connu une forte croissance au courant des décennies suivantes (Alix, 2021). De nos jours, la quasi-totalité des villes nippones a une bibliothèque municipale et près de 50 % des municipalités rurales, représentant un total de plus de 3 300 bibliothèques publiques au Japon, selon des statistiques de 2018 (Alix, 2021).
Les bibliothèques publiques du Japon s’inscrivent dans les tendances globales au niveau de la diversité des services qu’elles offrent à leurs usagers·ères. Par exemple, une variété de services numériques sont offerts (Alix, 2021) et on retrouve dans plusieurs bibliothèques municipales des projets de bibliobus (Yamamoto, 2012).
Les bibliothèques publiques japonaises sont des jalons importants dans les communautés où elles se trouvent. À la suite du tremblement de terre de 2011, le taux de fréquentation des bibliothèques publiques situées dans les zones touchées a largement augmenté, les membres de ces communautés y voyant un safe space où retrouver un semblant de normalité (Miura, 2012 ; Nakai et al., 2019). L’importance et la valorisation des bibliothèques, notamment dans les régions éloignées, font partie des valeurs partagées par les bibliothécaires des bibliothèques publiques du pays, ce qui donne lieu à plusieurs initiatives de collaboration entre les bibliothèques de grandes et petites tailles, telles que le système de PEB, l’organisation de formations aux employé·e·s ou encore la mise en place d’un système de référence commun (Yamamoto, 2012).
Bibliothèques spécialisées : les Bunko
Au cours de l’histoire du pays, le Japon a vu naître ici et là des petites bibliothèques informelles destinées aux enfants. Les bunko existent depuis bien avant l’arrivée des bibliothèques publiques japonaises, et étaient même deux fois plus présents sur le territoire dans les années 70 (Kiichiro, 2012). Ces bibliothèques de petite taille, qui prennent vie chez des particuliers, à l’arrière de poissonnerie et dans une multitude d’endroits insolites, sont généralement gérées par des bénévoles et leur collection est construite à partir de dons provenant de la collectivité (Alix, 2021). Leur caractère privé et informel rend le recensement de ces bibliothèques difficiles, mais on estimait en 2012 qu’on ne retrouvait pas moins de 1 000 bunko au Japon (Kiichiro, 2012).
Bien que les bunko constituent chacune une bibliothèque unique, avec sa propre identité et son propre mode de fonctionnement, elles partagent dans l’ensemble une volonté d’améliorer l’accès aux livres et à la lecture pour les enfants en bas âge (Kiichiro, 2012). Elles représentent également des espaces importants pour la collectivité et sont donc fréquemment soutenues par les bibliothèques municipales en place (Kiichiro, 2012). Plusieurs bunko sont d’ailleurs à l’origine de la création de la Bibliothèque pour enfants de Tokyo, fondée en 1974 (Kiichiro, 2012).
Cadre éducatif en sciences de l’information et des bibliothèques
D’après Kishida dans History and Recent Trends in Library and Information Science Education in Japan, le domaine des sciences de l’information et de la bibliothéconomie a commencé à prendre forme surtout à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l’ouverture de l’école de bibliothéconomie de l’Université Keio (慶應義塾大學). L’inauguration de cette école a eu lieu sous la direction du Supreme Commander for the Allied Powers et devint la première école d’études supérieures de bibliothéconomie au Japon, créant ainsi une réforme du système éducationnel du domaine de la bibliothéconomie japonaise. Avant la création de cette école, il existait un institut de formation de professionnels du domaine de la bibliothéconomie au Japon, mais il ne s’agissait pas d’un établissement d’études supérieures (Kishida, 2011). Malgré tout, il s’agira d’un institut qui a joué un rôle important concernant le développement des études en bibliothéconomie nipponne.
Cet institut, le Monbu-sho Toshokanin Kyoshujo (文部省図書館員教習所), a été créé en 1921 par le ministère de l’Éducation et a produit un grand nombre de bibliothécaires japonais avant et après la Seconde Guerre mondiale. En 1964, cet institut deviendra le Library Junior College (図書館短期大学), situé à Tokyo. C’est à partir de 1967 que l’Université Keio (慶應義塾大學) implantera un nouveau programme de deuxième cycle ayant un titre incluant le concept des sciences de l’information, et changera plus tard le nom de son école pour également faire mention des sciences de l’information : the School of Library and Information Science (SLIS : 図書館・情報学科) (Kishida, 2011). De plus, un programme de 3e cycle sera également intégré à partir de 1975, et presque simultanément, l’Université de Tokyo (東京大学) accueillera les chercheurs en sciences de l’information dans ses laboratoires.
L’Université Keio (慶應義塾大學) ainsi que l’Université de Tokyo deviendront toutes deux les universités directrices des études en bibliothéconomie et des sciences de l’information. En 1979, le Library Junior College (図書館短期大学) migrera vers la région de Tsukuba et deviendra The University of Library and Information Science (ULIS : 図書館情報大学). L’Université Keio (慶應義塾大學), l’Université de Tokyo (東京大学) et l’Université de Tsukuba (筑波大学) deviendront les trois établissements majeurs pour les études en sciences de l’information et bibliothéconomie. En 1950, une loi sur les bibliothèques a été établie et l’obtention du Shisho (司書) pour les spécialistes des bibliothèques sera officiellement prescrite par la loi. Cette certification peut être obtenue en obtenant des crédits dans des matières déterminées par le ministère de l’Éducation dans les universités ou les collèges (Kishida, 2011). Malheureusement, la société japonaise ne reconnaît pas pleinement les compétences spécialisées nécessaires pour être un bibliothécaire. Ainsi, de nombreuses personnes n’ayant pas la certification Shisho travaillent en bibliothèques publiques en tant que bibliothécaires spécialisés (Kishida, 2011). Comme mentionné dans la section sur les bibliothèques scolaires, un autre type de certification de bibliothécaire prescrit par la loi japonaise concerne les spécialistes des bibliothèques scolaires, appelé Shisho-kyoyu (司書教諭). Le terme « Kyoyu 教諭 » signifie professeur, et pour obtenir la certification Shisho-kyoyu, il faut obtenir simultanément une licence officielle pour enseigner dans une école primaire, un collège ou une école secondaire. Pour obtenir cette certification, seulement cinq cours de bibliothéconomie sont nécessaires, ajoutés au curriculum d’enseignement (Kishida, 2011).
Association de bibliothèques
La Japan Library Association (JLA) est une organisation à but non lucratif représentant la profession de bibliothécaire au Japon. À l’origine, JLA a été fondée en 1892 pour promouvoir les services de bibliothèque et pour coopérer avec les bibliothécaires des zones métropolitaines de Tokyo. (Japan Library Association, s.d.) La JLA a été créée à la suite de la création de l’American Library Association (ALA) en 1876 et de la Library Association (LA, aujourd’hui CILIP) en 1877 au Royaume-Uni. Initialement, JLA s’appelait Nihon Bunko Kyokai en japonais, et fut renommé Nihon Toshokan Kyokai en 1908. Bunko est la façon de dire bibliothèque à l’époque prémoderne, et Kyokai signifie association. Aujourd’hui, les activités sont soutenues par d’innombrables bibliothécaires dévoués depuis plus de 120 ans (Miura, 2019).
Les missions de la JLA se basent sur quatre politiques. Elle doit être le centre national de l’information pour toutes les bibliothèques et les bibliothécaires du Japon, un centre de développement de carrière, d’éducation et de formation pour les bibliothécaires, de coopérer et de coordonner plusieurs types de bibliothécaires et d’association et de promouvoir et supporter les relations internationales. (Takayama et al., 2017.) Les membres de l’association sont composés de quatre types : 3 296 membres individuels, 2 204 membres institutionnels, 11 membres coopérants et 56 membres sympathisants selon les données de 2019. (Miura, 2019)
Pour les activités professionnelles, l’organisation actuelle se compose de six divisions : la division des bibliothèques publiques, la division des bibliothèques universitaires, la division du postsecondaire, la division des bibliothèques scolaires, la division des bibliothèques spécialisées et la division de l’enseignement des sciences de l’information. Chaque membre individuel appartient à l’une des six divisions. Pour les membres de la division de l’enseignement des sciences de l’information, ils peuvent sélectionner une autre division en fonction de leurs domaines de recherche. Les présidents des six divisions deviennent automatiquement membres du conseil d’administration. (Miura, 2019)
En date de 2019, il existe 28 comités. Chaque comité est composé d’un président et d’environ 5 à 10 membres individuels. Par exemple, il y a un comité pour le droit d’auteur, pour le catalogage et des services pour les personnes en situation de handicap. (Takayama et al., 2017)
La JLA a développé plusieurs activités pour coopérer et coordonner toutes sortes d’organisations de bibliothèques dont des formations pour le personnel en bibliothèque, des consultations et du soutien sur la gestion des bibliothèques et les recommandations politiques, de la recherche et collecte de documents sur la gestion, les opérations, les services et la technologie de la bibliothèque, de la création et diffusion d’outils de gestion et de sélection de bibliothèques et des publications de revues et de résultats de recherche. Il y a aussi des campagnes pour promouvoir le progrès de la bibliothèque et récompense pour les contributions à la promotion du progrès et de la collaboration, coopération et soutien avec les organisations de bibliothèques nationales et étrangères. (Miura, 2019)
Avec la Japan Library Association, selon des données de 2007, il y a 90 associations, groupes et sociétés de bibliothécaire au Japon. Celles-ci sont parfois plus spécialisées comme la Japan Medical Library Association. Par contre, c’est la JLA qui regroupe toutes les associations et les organisations en lien avec les bibliothèques en les représentant au plan national. (Takayama et al., 2017)
Cadre législatif
Au niveau du cadre législatif, peu de lois encadrent le métier des bibliothécaires japonais·ses en raison du statut de leur métier. En effet, le modèle de fonctionnement des bibliothèques est davantage axé sur la circulation du matériel, et donc sur les objets que gardent les bibliothèques, que sur le développement des communautés qu’elles servent (Alix, 2021). L’utilité de ces établissements est donc souvent contestée par la population et, par conséquent, le métier de bibliothécaire n’est pas considéré comme une profession au Japon. Par ailleurs, ceux qui exercent celui-ci, comme mentionné plus haut dans le cadre éducatif, ont des cours généraux qui ne leur laissent que très peu l’occasion de se spécialiser. Aussi, très peu de cadres en bibliothéconomie ont une formation en sciences de l’information.) À cause de ce statut, il n’y a pas beaucoup de lois et normes qui encadrent ce métier au Japon. Les différentes associations nommées plus haut ont néanmoins participé à l’élaboration de certaines d’entre elles afin de faire avancer les sciences de l’information. La Japan Library Association est d’ailleurs une pionnière dans le domaine, créant plusieurs ordonnances et programmes tels que la Library Ordinance en 1899, le premier programme de formation professionnelle pour les bibliothécaires en 1921 et créant notamment la League of Young Librarians qui élaborera en 1927 plusieurs normes régissant toujours le milieu documentaire : Nippon Decimal Classification, Nippon Cataloging Rules et Nippon Subject Heading List. La JLA devient d’ailleurs un corps juridique en 1930 (Japan Library Association, 1994).
Une des plus anciennes lois recensées est le Décret impérial sur les bibliothèques (Toshokan-rei) de 1899 qui, grandement influencé par l’occupation des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, sera révisé en 1950 pour devenir la Loi sur les bibliothèques (Toshokan-ho). La loi stipulait que la bibliothèque publique était une institution démocratique et devait être financée par l’impôt, gratuit et suffisant pour répondre aux besoins d’information de la communauté. (Miura, 2019) Peu avant, la Loi sur la Bibliothèque nationale (National Diet Library Law) entrera en vigueur en 1948 afin d’encadrer les activités de ce type particulier de bibliothèque. Pour ce qui est des bibliothèques académiques, le cadre législatif repose en grande partie sur les « Standards en matière d’établissements universitaires » (Daigaku Setchi Kijun) établis en 1956. (Takayama et al., 2017) Pour ce qui est des bibliothèques scolaires, comme mentionnées précédemment, celles-ci sont régies par la réforme scolaire de 1950 ainsi que par la loi sur les bibliothèques scolaires de 1953. Cette loi a d’ailleurs été modifiée en 1997, puis révisée en 2008 afin d’engager plus d’enseignants-bibliothécaires et de donner un peu plus de pouvoir aux bibliothèques dans les domaines tels que la littératie et la gestion des collections (Alix, 2021). En 1953, la Japan Library Association a également commencé à publier les statistiques sur les bibliothèques au Japon. Quant à la liberté intellectuelle, « A Statement of Intellectual Freedom in Libraries » a été adoptée en 1954, revendiquant l’autonomie des bibliothèques dans la sélection et l’offre des documents de bibliothèque et rejetant la censure. Cette déclaration a été révisée en 1979, ajoutant la protection de la vie privée des utilisateurs dans la bibliothèque, suivie de l’approbation du « Code of Ethics for Librarians » en 1980. (Miura, 2019)
Un autre exemple de cadre législatif entourant le domaine des sciences de l’information posant un défi de taille : les bibliothèques carcérales. En effet, le Japon a inclus dans sa loi sur les prisons de 2005 et 2006 le droit des prisonniers de lire et d’avoir accès à du matériel de lecture. Cette loi ne stipulant pas que les prisons devaient se doter de bibliothèques, mais simplement que les prisonniers avaient le droit de lire, la plupart des milieux carcéraux japonais possèdent quelques livres, à plusieurs endroits, et les prisonniers sont en grande partie responsables de ceux-ci, par manque de bibliothécaires qualifié·e·s (Alix, 2021).
La loi sur les droits d’auteurs influence également le travail des bibliothécaires japonais. Celle-ci, créée en 1899 et révisée en 1970 et 1978 afin de s’adapter aux nouvelles technologies, prévoit une entrée dans le domaine public des œuvres 50 ans après le décès de l’auteur·rice et une limite des photocopies de ces livres à la moitié de la taille de ceux-ci (Takayama et al., 2017).
Information complémentaire/particularités
La bibliothèque de la JLA rassemble des documents sur les bibliothèques, la bibliothéconomie et les sciences de l’information. Elle détient environ 10 000 monographies et 2 300 titres de périodiques, y compris des actes de conférence, des rapports de réunions de comités, des rapports annuels de bibliothèques publiques, des plans architecturaux et des livrets de diverses bibliothèques. La bibliothèque est ouverte au public ainsi qu’aux membres de la JLA. Les services de référence et de photocopie sont accessibles au grand public, bien que seuls les membres puissent emprunter des livres. (Miura, 2019) Il y a environ 20 nouvelles monographies qui sont publiées chaque année par l’association. (Japan Library Association, s.d.)
En 1971, le 30 avril a été choisi comme étant la journée nationale de la bibliothèque lorsque la loi sur les bibliothèques de 1950 a été promulguée ce jour-là. (Miura, 2019) Selon des statistiques de 2003, moins de 10 % des étudiants qui obtiennent des certifications de bibliothécaire pour les bibliothèques publiques obtiennent un emploi dans une bibliothèque publique. (Ueda et al., 2005)
Références
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