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19 Syrie

(Laura Simard-Lemaire, Cassandra Tardif, Fatma Doumbia)

L’Hymne de la Syrie : en arabe حومة الديار

(Homat el-Diyar, « Défenseur de la patrie »)

Profil du pays

La République arabe syrienne est située sur la côte orientale de la mer Méditerranée, elle est bordée au Nord par la Turquie, au Sud-Est par l’Irak, au Sud par la Jordanie, au Sud-Ouest par l’Israël et à l’Ouest par le Liban (« Syria », 2022). Le Damas est la capitale et la plus grande ville de ce pays de l’Asie de l’Ouest. Sa superficie totale est de 185 180 km2, débordants de plaines fertiles, de hautes montagnes et de déserts qui abrite une population d’environ 21,563,800 d’habitants dont 56,8% se rassemblent en milieu urbain (« Explore all countries – Syria », 2022). La région sud couvre 15,7 % de la superficie totale et on y retrouve les villes de Damas, Deraa, Soueïda et Quneitra. La région centrale représente environ 27,6% de la superficie totale. La région côtière à proximité de la mer Méditerranée représente 2,3% de la superficie totale du pays et est constituée des villes de Lattaquié et de Tartous. La région nord comprend les villes d’Alep et Idled et représente 12,6% de la superficie totale. La région Orientale, qui est la plus vaste de ce pays, correspond à 41,8% de la superficie totale ( FAO, 2008). La Syrie est une république unitaire semi-présidentielle qui se divise en 14 mohafazats (gouvernement). La langue officielle est l’arabe, mais on y parle aussi le kurde, l’arménien, l’araméen, le circassien, le français et l’anglais. Dans ce pays du Proche-Orient, la population est majoritairement de confession musulmane (87%) ce qui comprend les sunnites (74%) et les alaouites, les ismaéliens et les chiites (13%), il y a aussi une petite partie de la population qui est de confession chrétienne (10%) dont les orthodoxes, les uniates et les nestoriens, et finalement une minorité de la population est de confession druze (3%) (« Explore all countries – Syria », 2022).

Histoire

La Syrie détient une histoire riche, longue et complexe puisqu’il s’agit d’une région habitée depuis plus de 700 000 ans comme le témoignent les découvertes archéologiques faites dans la Cave Dederiyeh près d’Alep. Au cours de son histoire, la Syrie a changé à maintes reprises de nom et de barrières géographiques. La région regroupant les pays du Levant, soit la Syrie, le Liban et Israël, était originalement connue sous le nom d’Eber Nari (Mark, 2022). Mari et Ebla sont deux grandes villes de la Syrie antique, fondées c. 4000-3000 AEC, qui accueillaient une imposante collection de tablettes cunéiformes rassemblant des informations sur l’histoire, la vie quotidienne et les transactions des citoyens de l’époque (Mark, 2022). Bien qu’il soit difficile de retracer avec exactitude les usages et les raisons de la collection de ressources textuelles datant de l’Antiquité, les découvertes archéologiques dans le Levant et en Syrie démontrent que des espaces physiques étaient réservés à la conservation de textes avec une certaine signification culturelle. Les découvertes de regroupements de textes cunéiformes datant de la fin de l’Âge de Bronze au Nord de la Syrie, spécifiquement à Ugarit et Emar, sont une des sources les plus riches en informations sur ce que l’on appelle aujourd’hui des bibliothèques, bien qu’il soit impossible de confirmer leur rôle de l’époque. Certaines se retrouvaient dans les palais tandis que d’autres semblent appartenir à des érudits, des religieux ou établies à des fins éducatives (Rutz, 2019). Babylone a eu emprise sur la région jusqu’à la conquête Perse en 549 AEC, suivie par Parthie, les Scythes et un peu plus tard les Romains. À la suite du déclin de l’Empire Romain, la Syrie est tombée entre les mains de l’Empire Byzantin et l’Islam s’est propagé dans la région au cours du septième siècle EC jusqu’à ce que les Musulmans s’emparent du pouvoir. Encore aujourd’hui, les guerres pour le pouvoir politique de la Syrie marquent son quotidien et informent sa population, ses ressources et ses cultures diverses (Rutz, 2019). La grande diversité des supports, des langues, des sujets et des formes de ressources textuelles offre un défi aux archéologues et aux historiens d’aujourd’hui qui tentent d’identifier le parcours des bibliothèques et des textes de cette région. Avant l’indépendance de la Syrie en 1946, les bibliothèques étaient principalement détenues par de riches intellectuels collectionnant des livres rares et précieux majoritairement en langue arabe. Plusieurs raisons justifient le manque de développement des bibliothèques publiques, scolaires et universitaires avant cette date, notamment le bas taux de littératie, la précarité financière de la majorité des citoyens, l’emprise de la religion, l’arrivée tardive de l’impression et l’emphase sur l’apprentissage des traditions artisanales par voies orales (Al-Laham, 1992). Aujourd’hui, des services d’accès à l’information sont disponibles en Syrie et des efforts se font pour l’intégration du numérique, entre autres grâce à la création de la Scientific Society of Informatics en 1989, qui s’occupe d’organiser des formations et des conférences centrées sur l’informatique (Al-Laham, 1992). La guerre civile qui sévit depuis 2011 en Syrie, accompagnée par la montée de l’État Islamiste dans la région inflige aux citoyens des limitations évidentes dans leur capacité à jouir d’une vie personnelle, sociale, politique et culturelle satisfaisante (BBC, 2019). Cela se traduit dans l’état des bibliothèques dans la région, bien que certains ont réussi à défier leur situation malheureuse en créant une bibliothèque dans une cave à Daraya, sauvant près de 11000 livres et offrant un refuge intellectuel, physique et émotionnel aux résidents où le patrimoine culturel est préservé (Jost, 2015).

Types de bibliothèques

Pour cette description des types de bibliothèques, nous nous baserons sur des textes publiés avant la guerre civile syrienne en raison du peu d’informations sur les bibliothèques actuelles.

C’est au cours du XXe siècle qu’un premier intérêt pour les bibliothèques voit le jour en Syrie, par la volonté des érudits syriens de rassembler les manuscrits du patrimoine arabe dans un lieu spécial qui allait permettre de préserver ces documents de la perte et des dommages et aussi de les étudier et de les inspecter (Al-Laham, 1992a). Les collections rassemblées ont d’abord été envoyées à l’école Al-Omariya, puis au sanctuaire de la mosquée du roi Zahir qui deviendra la bibliothèque Al-Zahiriya. On voit peu à peu la création de nouvelles bibliothèques, dont la bibliothèque Al-Waqfya, fondée en 1924, dans la ville d’Alep dont la mission principale est de rassembler des documents du patrimoine arabe. En Syrie, à la même époque, on constate la présence de quelques bibliothèques qui sont rattachées aux établissements d’enseignement et aux centres missionnaires dans les villes de Damas, Alep et Beyrouth. Le début du XXe siècle, qui est marqué par la fin de la domination ottomane, est une époque de grand changement en Syrie, on voit notamment l’apparition de nouvelles politiques éducatives, des programmes d’alphabétisation et une incitation à la production de livres et à la lecture. Dès lors, de nouveaux types de bibliothèques sont créés comme les bibliothèques scolaires, les bibliothèques universitaires, les bibliothèques publiques et les bibliothèques spécialisées.

La bibliothèque nationale

La bibliothèque nationale Al-Assad de la République arabe syrienne est inaugurée en 1984 à Damas. Elle est composée de plusieurs départements, dont la documentation, la photographie, pour les documentaires, pour les beaux-arts, des périodiques, pour les aveugles et un département de l’information (À propos de la bibliothèque, 2019). Cette bibliothèque est aussi munie d’une salle de conférence, une salle de lecture, de 21 salles de lecture individuelle et de plusieurs salles d’expositions (À propos de la bibliothèque, 2019). La bibliothèque Al Assad contient une section de manuscrit et trois dépôts d’une capacité de stockage de deux millions de documents (Al-Laham, 1992a). La bibliothèque nationale de la Syrie à pour mission la collecte, la documentation et la conservation du patrimoine culturel national comme les livres, les périodiques et tous les autres documents d’informations, d’organiser ces documents et de faciliter leur utilisation pour les chercheurs et les étudiants universitaires (À propos de la bibliothèque, 2019). Elle s’efforce donc de rassembler les publications arabes et internationales les plus importantes dans tous les domaines par le biais d’achats et d’échanges. Le patrimoine culturel national est collecté à l’aide du système de dépôt légal qui reçoit cinq exemplaires de chaque publication parue en Syrie (Al-Laham, 1992a). La bibliothèque nationale Al-Assad filme et documente les œuvres d’art des artistes syriens, diffuse la musique des compositeurs de son pays et copie les ciné-films syriens pour leur préservation (Al-Laham, 1992a).

Bibliothèques publiques

Les bibliothèques publiques sont essentiellement des centres culturels supervisés par le ministère de la Culture qui se situe à Damas. On y découvre de nombreuses activités culturelles comme des conférences, des projections de films éducatifs, des cours de formations supervisées et des expositions d’œuvres d’art. Les bibliothèques publiques en Syrie offrent un service communautaire efficace, mais elles sont constamment supervisées par des fonctionnaires. Elles sont situées pour la plupart dans des bâtiments initialement construits à des fins résidentielles. Onze bâtiments modernes avaient justement été construits afin de remplacer ces lieux inadaptés, cependant en raison des évènements qui ont lieu en Syrie nous ne sommes pas certains que ces bâtiments aient été terminés. La principale problématique que rencontrent les bibliothèques publiques syriennes est le fait qu’elles ne sont généralement pas en mesure de remplir leur mission (Al-Laham, 1992a). À la fin du XXe siècle, les plus grandes bibliothèques publiques syriennes sont Al-Zahiriya à Damas et Al-Awqaf à Alep. La bibliothèque Al-Zahiriya est une bibliothèque islamique fondée en 1277 à Damas. Elle change de fonction entre l’année 1880 et 1881 pour devenir une bibliothèque générale ouverte au public. Au XXe siècle, la bibliothèque Al-Zahiriya devient la bibliothèque nationale et ce jusqu’en 1984, date à laquelle est créée la bibliothèque nationale Al-Assad. En 2011, les collections de cette bibliothèque comprenaient 100 000 documents imprimés, 13 000 manuscrits et 50 000 périodiques (« Zahiriyya Library », 2022). Alors que la bibliothèque Al-Awqaf est malheureusement détruite en février 2013 par des bombardements (« Bibliothèques et archives | Patrimoine pour la paix », s. d.)

Bibliothèques scolaires

Dans les années 1950, de petits locaux étaient aménagés par le ministère de l’Éducation dans les établissements scolaires modernes pour servir de bibliothèque de lecture. Quelques années plus tard, le ministère de l’Éducation met en place un département qui est chargé de superviser l’organisation des bibliothèques scolaires, les livres disponibles et la planification des formations pour améliorer l’efficacité des bibliothèques scolaires. Dans ce type de bibliothèque, les employées sont habituellement d’anciens professeurs qui n’ont pas reçu de formation en science de l’information. En Syrie, les bibliothèques scolaires sont très peu fréquentées par les étudiants d’une part parce qu’il manque de livre jeunesse de qualité et d’autre part parce que les enseignants n’impliquent pas les livres dans leur programme d’enseignement et ne tentent pas d’encourager leurs élèvent à fréquenter les bibliothèques scolaires. (Al-Laham, 1992a) En 1992, il y avait 150 bibliothèques scolaires en Syrie avec des collections qui variaient entre 5000 et 15 000 ouvrages imprimés.

Bibliothèques Universitaires

En Syrie, la première bibliothèque universitaire est construite en 1903 avec la bibliothèque du Medical College à Damas. Par la suite, il faut attendre jusqu’en 1950 avant qu’une autre bibliothèque universitaire voie le jour avec la Faculté d’ingénierie à l’Université d’Alep. En 1960, le gouvernement décide d’adopter une politique d’expansion pour les disciplines de l’enseignement supérieur. Ainsi, de nouveaux établissements universitaires sont créés tels que l’Université de Tishrin et l’Université Al-Baath à Lattaquié. Cette décision donne la possibilité aux bibliothèques universitaires de se développer. Ce type de bibliothèque sera alors conçu dans des bâtiments adaptés et équipés pour mieux correspondre aux nouveaux objectifs des Universités syriennes. Des collections modernes mieux adaptées aux programmes de l’Enseignement supérieur et organisées selon les nouvelles normes universitaires sont intégrées. Les bibliothèques universitaires sont surtout fréquentées par les étudiants et cela s’explique par le fait que les étudiants doivent lire les ouvrages exigés par les programmes d’enseignement supérieur donc ce n’est pas pour consulter les collections ni pour chercher des livres de référence. En Syrie, les statistiques d’emprunt montrent un faible taux d’utilisation des collections, et cela a un impact négatif sur la position des bibliothèques universitaires. Une autre problématique que rencontre ce type de bibliothèque est la rareté des publications scientifiques modernes en langue arabe, alors qu’en Syrie la langue arabe est la seule langue désignée pour l’enseignement supérieur. On peut relever d’autres éléments qui viennent freiner la publication des ouvrages scientifiques en Syrie tels que les procédures douanières, la censure de l’information et la question des devises fortes. La bibliothèque centrale de l’Université de Damas a été fondée en 1919. L’Université de Damas compte 16 bibliothèques rattachées à différentes facultés et départements de l’Université. La collection de toutes ces bibliothèques compte plus de 150 000 volumes et 1400 périodiques. La bibliothèque universitaire de Damas comprend quatre départements : acquisition, catalogage et classification, périodiques et reliure (Dyab, 1983). La bibliothèque de l’Université d’Alep a été fondée en 1960. Elle possède une collection de plus de 40 000 volumes et environ 150 périodiques courants. Cette bibliothèque se trouve dans un bâtiment très ancien, qui n’est pas adapté pour accueillir des services de bibliothèque modernes. La bibliothèque médicale de l’université d’Alep a été fondée en 1969, dans une structure à deux étages. Elle est bien équipée et dispose d’une salle de lecture pouvant être utilisée par 300 lecteurs, ouverte à tous les étudiants de l’Université. (Dyab, 1983)

Bibliothèques spécialisées

Les bibliothèques spécialisées en Syrie sont des établissements qui offrent des services d’études et de recherche dans le cadre des départements auxquels ils sont rattachés. En Syrie, les bibliothèques spécialisées apparaissent au début des années 1950 et presque toutes les organisations centrales vont alors incorporer une section dédiée aux bibliothèques spécialisées. Elles sont gérées par des fonctionnaires qui supervisent le travail de ce type de bibliothèque. Les collections dans les bibliothèques spécialisées sont exclusivement liées aux services des activités de l’organisation où elles se situent. Les usagers qui fréquentent ce type de bibliothèque sont essentiellement le personnel de l’organisation et le personnel de la bibliothèque. Le développement des bibliothèques spécialisées est soumis à l’intérêt et au sérieux dont font preuve les chercheurs concernés dans l’organisation. C’est pour cette raison que ce type de bibliothèque doit offrir d’autres services comme des services de référence et des activités culturelles ou des dépôts de livres et de brochures pour rester en place (Al-Laham, 1992a).

Cadre éducatif en sciences de l’information et des bibliothèques

Le ministère de l’Éducation est en charge des programmes scolaires en Syrie, comprenant les 12 années d’école primaire, préparatoire et secondaire dont les neuf premières sont obligatoires (Alberta.ca, (n.d.). Des programmes d’études secondaires techniques offrant la spécialisation dans les domaines de l’agriculture, du commerce, de l’industriel et pour les femmes donnent la possibilité aux étudiants de poursuivre leurs études au niveau universitaire ou vers une institution intermédiaire, selon leurs résultats lors de l’évaluation finale. L’obtention d’un baccalauréat requiert de quatre à six ans d’études, tandis que la maîtrise en demande deux et que le doctorat se fait en trois ans. Il est aussi possible d’obtenir un certificat intermédiaire en deux ans, ou de faire un diplôme d’études supérieures de deux ans pour donner suite au baccalauréat. Les études de deuxième cycle sont gouvernées par le ministère de l’Éducation supérieure et se font en arabe, à moins de fréquenter une institution privée (Alberta.ca, (n.d.). La Syrie, comme la majorité des pays arabes du Levant, avait une ressource presque inexistante en bibliothécaires avant les années cinquante. L’indépendance du pays en 1946 a eu un grand impact sur l’accès à la formation des professionnels de l’information même si pendant les quatre décennies suivantes, la formation était limitée toujours à des cours programmes dans les pays Européens ou à un diplôme en bibliothéconomie à l’Université du Caire en Égypte. Le premier programme de formation en Sciences de l’information et bibliothéconomie en Syrie a été fondé en 1984, dans la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université de Damascus. À cette époque, la Syrie comptait près de 1000 bibliothèques sous la responsabilité de 75 bibliothécaires professionnels. Six ans plus tard, le programme comptait 40 gradués et avait enrôlé 450 étudiants, ce qui démontre un progrès intéressant si l’on considère que quatre ans d’études sont exigés avant l’obtention du diplôme. L’admission à ce programme du premier cycle requiert un certain GPA selon les années et les cours se portent sur la gestion des bibliothèques et autres lieux d’accès à l’information, la mise en place de collections, de services techniques, la référence et l’indexation ainsi que sur les aspects numériques de la bibliothéconomie. Le programme comprend aussi des cours sur l’apprentissage en anglais et en arabe et sur la culture socialiste nationale. Les critiques du programme mentionnent le manque de cours pratiques et approfondis sur les sciences de l’information ainsi que le faible taux de professeurs doctorants en charge de l’éducation. L’admission est aussi offerte à un très grand nombre d’étudiants, ce qui restreint l’accès aux opportunités de formation en milieu de travail ainsi qu’à l’emploi. Les ressources sont limitées quant aux bibliothèques disponibles et aux ressources technologiques nécessaires à une éducation de qualité. Il faut aussi noter que quelques révisions au curriculum ont été faites en 2008. Depuis, d’autres programmes d’éducation en sciences de l’information ont été mis sur pied au pays, dont un programme similaire au premier cycle universitaire à l’Université de Tishreen. En 2008, un programme de maîtrise de deux ans a vu le jour à l’Université de Damascus, divisant l’apprentissage, les cours étant concentrés dans la première année suivie d’un an de rédaction de thèse (Daniel, Meho & Moran, 2016).

Association de bibliothèques

Il existe très peu d’associations de bibliothèques au niveau national en Syrie. Le pays est toutefois membre de nombreuses associations œuvrant dans le domaine des sciences de l’information dans le monde arabe, mais également à l’international. La société des bibliothèques et des documents de Syrie, fondée en 1972 à Damas, est la seule association de bibliothécaires du pays. Au début de son mandat, l’association avait pour principale mission de défendre les intérêts du personnel des bibliothèques et des archives. En effet, malgré la création d’un programme de formation en sciences de l’information à l’université locale, de même que l’envoi fréquent des étudiants syriens dans des programmes d’études européens en bibliothéconomie, le domaine de la culture enregistrait un très faible taux de rétention du personnel formé (Al-Laham, 1992b). Des salaires trop bas, une formation insuffisante, mais surtout des responsabilités trop élevées quant à la conservation des documents, poussaient les professionnels à aller offrir leurs services dans les pays frontaliers, au détriment du milieu culturel syrien. La création de l’association a permis de faire évoluer la profession par la mise en place d’un statut valorisant, de formations adéquates, mais aussi et surtout l’amélioration des conditions de travail. Le mandat actuel de cette association va au-delà des préoccupations salariales des bibliothécaires, en ce sens que la profession elle-même a évolué (Alqudsi-Ghabra, 1988). Tout en veillant aux intérêts des membres, l’association est surtout tournée vers la diffusion des connaissances et de l’information au sein de la société, en partenariat avec d’autres associations du domaine de l’information, telle la société scientifique syrienne d’informatique créée en 1984 (Aldin, 2020). Elle œuvre également pour la préservation et la promotion de la culture syrienne à l’international à travers une collaboration étroite avec les associations de bibliothèques et les sociétés d’informations régionales et internationales parmi lesquelles on peut compter l’ALECSO (Organisation arabe pour l’éducation, la science et la culture), la FABI (Union arabe des bibliothèques et de l’information) et l’IFLA (Allani, 2005).

Cadre législatif

Le cadre réglementaire entourant l’organisation des bibliothèques en Syrie est tributaire des différentes transitions politiques et culturelles, que ce pays du Moyen-Orient a connues durant les deux derniers siècles. Les premiers règlements législatifs encadrant la pratique des bibliothèques à l’époque moderne peuvent être repérés vers le XIXe siècle. La Syrie avec le Liban, la Jordanie et la Palestine sont alors sous domination ottomane et forment le territoire appelé Bilad al-Sham. La législation ottomane, qui s’applique à l’époque au cours de laquelle la bibliothèque Al-Zahiriya est fondée, est surtout un cadre de censure dans lequel le dépôt légal n’existe pas (Aldin, 2020). En 1918, la lutte de libération aboutit à l’indépendance de la Syrie et à la formation d’un gouvernement militaire provisoire arabe à Damas, dont l’une des premières mesures sera la création du Diwan al-Maarif en 1919. Cette institution, qui est une sorte de comité de la culture et qui portera un temps le nom d’Académie arabe, se voit confier la responsabilité de superviser l’édition et la traduction de tous les imprimés sur le territoire syrien, d’œuvrer à la création des musées et de veiller à la préservation des antiquités nationales. Le Diwan al-Maarif est aussi un outil essentiel chargé de la gestion des bibliothèques universitaires et de la bibliothèque nationale Al-Zahiriya. De 1920 à 1945, la Syrie est de nouveau sous occupation, cette fois française. Par le décret-loi numéro 47 de 1924, l’administration française introduit la notion de dépôt légal, mais seulement dans un contexte de censure de la presse. Il faut attendre l’année 1949, pour que le décret-loi numéro 53, étende l’obligation du dépôt légal aux bibliothèques, pour la conservation du patrimoine d’une Syrie définitivement libre (Al-Laham, 1992b). Le développement et l’encadrement des bibliothèques se précisent à cette période. Dans l’initiative de la lutte contre l’analphabétisme, le gouvernement finance massivement la création de bibliothèques publiques et universitaires. Le 15 janvier 1967, le ministère de l’Enseignement supérieur promulgue le décret-loi numéro 15, concernant la structure et le système de fonctionnement des bibliothèques. Un département spécial des bibliothèques, qui aura pour mission de superviser l’implantation et l’organisation des bibliothèques scolaires, est créé en 1974 par le ministère de l’Éducation. En 1984, la bibliothèque Al-Assad est fondée et devient la bibliothèque nationale syrienne en lieu et place de la bibliothèque Al-Zahiriya. Elle est administrée par un conseil de neuf membres à savoir : le ministre de la Culture, le directeur général de la bibliothèque, deux délégués du ministère de la Culture, un délégué du ministère de l’Éducation, du ministère de l’information, du ministère de l’Enseignement supérieur, ainsi que deux membres du milieu culturel choisis par le ministre (Jeffreys, 1984). Ce comité édicte le règlement administrant le fonctionnement des 14 départements de la bibliothèque Al-Assad, ainsi que l’ensemble des bibliothèques syriennes qui sont des branches mineures de la bibliothèque nationale. La bibliothèque nationale est le dépôt légal pour toutes les œuvres sur le territoire syrien, elle abrite également le siège de l’association des bibliothèques et documents de Syrie. Les bibliothèques publiques syriennes sont gratuites et relèvent du ministère de la Culture. Ce sont des centres culturels polyvalents dont les missions incluent également des activités de formation professionnelle, des programmes d’activités sociales et des expositions d’art. Les bibliothèques académiques, universitaires et scolaires font l’objet d’une double surveillance. En plus de la tutelle du ministère de la Culture, elles doivent se soumettre aux exigences de l’autorité générale syrienne du livre (« Bibliothèques & Archives | Patrimoine pour la paix », s. d.). L’autorité générale syrienne du livre, créé en 2003, bien que rattaché administrativement au ministère de la Culture, est un organe totalement indépendant chargé de l’inspection, de la publication et de la traduction de tous les écrits scientifiques sur le territoire syrien. La mission de cet organe porte sur le développement et la promotion de la culture académique et des échanges intellectuels à l’international.

Information complémentaire/particularités

Une bibliothèque secrète dans un sous-sol

L’histoire de cette bibliothèque secrète débute en 2013, alors que la guerre civile fait rage en Syrie et que de nombreuses villes sont détruites par les bombardements. Dans une ville assiégée par la guerre, de jeunes Syriens découvrent des livres dans les décombres d’une explosion et décident de les récupérer. Ces livres représentaient pour eux un peu d’espoir ainsi qu’un moyen de résister au régime, puisqu’ils leur permettaient de braver les interdictions. Des milliers de livres ont été récoltés avec l’aide de plusieurs volontaires ainsi, il devenait nécessaire de trouver un endroit où les entreposer et les cacher des bombardements. Les organisateurs ont donc eu l’idée de construire une bibliothèque publique à Daraya, cette ville où il n’y avait jamais eu de bibliothèque auparavant. Muaddamani et ses amis ont donc trouvé un sous-sol souterrain qu’ils ont aménagé pour en faire un lieu de rassemblement qui allait devenir « le symbole d’une ville qui ne s’inclinera pas – un endroit où nous construisons quelque chose alors même que tout le reste s’effondre autour de nous. » (Minoui, 2021). L’histoire de la bibliothèque de Daraya est un témoignage vibrant de l’importance du livre pour cette communauté. S’ils étaient assiégés physiquement, les résistants de Daraya grâce à leur bibliothèque ont conservé leur liberté intellectuelle.

Des bibliothèques mobiles

Jusque de l’autre côté de la frontière en Turquie, dans des camps de fortune, même peuple, même douleur, mêmes valeurs et même engagement culturel. Les réfugiés qui ont réussi à fuir le territoire essaient de s’y reconstruire également à travers les livres. Plusieurs projets de bibliothèques mobiles ont été mis sur place pour faciliter l’accès à l’information pour ces populations sinistrées.

Des bibliothèques volantes

Créé en 2016, le projet Flying Library est une initiative de bibliothèque nomade à destination des enfants syriens. Ce projet a rencontré un grand succès et a permis aux jeunes réfugiés de trouver, sinon de retrouver le goût de la lecture, mais aussi de se rapprocher socialement des jeunes enfants locaux, dans cette activité qui en plus d’être éducative se voulait un partage social et culturel.

Des bibliothèques dans le désert

Zaatari voit le jour en 2012 quand des réfugiés syriens fuient la guerre pour venir s’installer au fin fond du désert dans le nord de la Jordanie. Ce camp de 76 000 réfugiés syriens a mis en place un système de bibliothèque qu’il gère eux-mêmes. Les bibliothèques de Zaatari proposent des clubs de lecture, des clubs d’écriture, des services de préservation culturelle, des programmes d’heure du conte, des initiatives d’alphabétisation, des services de conseil aux lecteurs, une formation à la sécurité sur Internet et les médias, ainsi que des actions de proximité. Elles proposent également une formation à la maîtrise de l’information – un besoin urgent pour contrer les escrocs, ainsi que la désinformation sur les amnisties, la restitution des biens et la conscription militaire en Syrie (Fisher, 2020).

Bibliographie

À propos de la bibliothèque. (2019, 19 novembre). https://web.archive.org/web/20191119104754/http://www.alassad-library.gov.sy/about-us.php

Aldin, A. S. (2020). Histoire et développement de la Bibliothèque nationale de la République arabe syrienne. Bibliothéconomie, 69(2), 173‑181.

Al-Laham, G. (1992a). Libraries and information infrastructure in Syria. | Université de Montréal. Journal of Information Science, 18. https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1177/016555159201800611

Al-Laham, G. (1992b). Libraries and information infrastructure in Syria. | Université de Montréal. Journal of Information Science, 18. https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1177/016555159201800611

Allani, N. (2005). Les bibliothécaires Arabes en conclave à Hammamet. Webmanagercenter. https://www.webmanagercenter.com/2005/03/08/9799/les-bibliothecaires-arabes-en-conclave-a-hammamet/

Alqudsi-Ghabra, T. (1988). Librarianship in the Arab World. International Library Review, 20(2), 233‑245. https://doi.org/10.1016/0020-7837(88)90022-2

Bibliothèques & Archives | Patrimoine pour la paix. (s. d.). https://www.heritageforpeace.org/syria-culture-and-heritage/libraries-archives/?lang=fr

Bibliothèques et archives | Patrimoine pour la paix. (s. d.). https://www.heritageforpeace.org/syria-culture-and-heritage/libraries-archives/

Dyab, M. M. (1983). University libraries in Arab countries. International Library Review, 15(1), 15‑29. https://doi.org/10.1016/0020-7837(83)90064-X

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FAO. 2008. AQUASTAT Country Profile – Syrian Arab Republic. Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO). Rome, Italy. (s. d.). https://www.fao.org/3/ca0350en/CA0350EN.pdf

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Jeffreys, A. E. (1984). Development of the Al Assad National Library: Syria – (mission) – UNESCO Bibliothèque Numérique. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000068082

Minoui, D. (2021, 16 mars). Hunting for books in the ruins: how Syria’s rebel librarians found hope. The Guardian. https://www.theguardian.com/news/2021/mar/16/words-have-the-power-to-heal-syrias-rebel-librarians

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Bibliothèques à l'international : un manuel ouvert. Tome 3 Droit d'auteur © 2022 par Adèle Couture; Ana Catalina Alvarado; Anabelle Vacher; Andréa Casciano; Andréanne Bessette; Annie Paquin; Annie das Cadeias; Annie-Claude Duchesne-Perron; Amel Goussem Mesrati; Amélie Rocheleau; Amélie Rols; Ariane Sanchez; Arianne Bouchard-Fauteux; Armelle Christin; Béatrice Langevin; Bernus Amoussouga; Caroline Blais; Cassandra Tardif; Catherine Moreault; Charles-André Blain; Charlotte Lachance; Colette Leduc; Delphine Cado; Elisabeth Genest; Emilie Tron; Éric Le Ray; Erika Paquette-Lauzon; Eva Yakauchuk; Emmy Poitras; Fany Alvarado; Fatima Zelazel; Fatma Doumbia; Faye Daw-Yi Fung; Florian Alatorre; François Duquette; François Saintonge; Frédéric St-Sauveur; Ganaëlle Roberge; Geneviève Larocque; Josiane Ferron; Karine Massé; Lamia Boumsied; Laura Simard-Lemaire; Laurence Martin; Léa Rose Tremblay; Lou Andrysiak; Louise-Marie Picard; Marianne Giroux; Marielle Roy; Maxime Laprade; Mathieu Sirois; Mélanie Beaulieu; Mylène Chouinard; Mylène Lalonde; Monique Bernal; Nicolas Des Groseillers; Olivia Valentini; Ronel Kevin Attigbe; Roselyne Gendron; Sabrina Mac Gregor; Sarah B.; Sergio Estrada; Shadi Abdoli; Sophia Ouhnana; Thibaut Thierry; Thomas Sieber; Valérie Grégoire; Vladimir Lorcencov; Viviane St-Arnaud; et Charles-Antoine West est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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