1 Bangladesh
Frédérique Fortin-Houde, François Latendresse, Marie-Pier Paquette, Mathilde Pottier et Bryanna Serré
Profil du pays
Le Bangladesh, ou République populaire du Bangladesh, est un pays d’Asie du Sud situé au nord-est de l’Inde et bordé au sud par le golfe du Bengale. Sa géographie est marquée par les deltas du Gange et du Brahmapoutre (Larousse, 2024). Membre de l’ONU et du Commonwealth (Larousse, 2024), il est peuplé de 173 millions d’habitants en 2023 (Université de Sherbrooke, 2024). Une forte majorité de cette population est musulmane (Larousse, 2024), avec une minorité hindoue (Université de Sherbrooke, 2024). La langue officielle de la République est le bengali. Sa capitale est Dacca, l’une des plus peuplées au monde. Sa petite superficie, qui correspond au quart de celle de la France, fait du Bangladesh l’un des pays les plus densément peuplés avec plus de mille habitants par kilomètre carré. Le pays est très majoritairement rural, les trois quarts de la population vivant à la campagne. Dans un contexte de sous-développement industriel, l’agriculture — jute et riz principalement — joue un rôle central, alimentée par les abondantes inondations qui découlent des crues d’été. 58 % des Bangladais sont analphabètes (Larousse, 2024). Le Bangladesh est une démocratie parlementaire. Son indice global de démocratie en 2017 est de 5,4/10. Sa monnaie est le taka (Université de Sherbrooke, 2024). L’économie du pays connait un essor fulgurant au XXIe siècle : en 2000, 49 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté tandis que ce taux descend sous le cap des 20 % dans les années 2020 (Larousse, 2024).
Histoire
Le Bangladesh est un jeune pays avec un riche passé. L’existence de bibliothèque dans la région remonte aux écrits de l’explorateur chinois Fa-Hien en l’an 399 (Zaman Shuva et Akter, 2012, p. 92). Étant le site de sociétés et de cultures hindou, bouddhiste et musulmane, cette région possède déjà une tradition et elle valorise la lecture et l’éducation. En effet, chaque monastère bouddhiste a sa bibliothèque et les gens de la noblesse musulmane possèdent une bibliothèque privée individuelle (Khan, 1984, p. 126).
Les Britanniques introduisent le concept moderne de bibliothèque publique lors de leur occupation du territoire indien. Ces bibliothèques ne sont pas des institutions gouvernementales, mais des initiatives individuelles et privées (Zaman Shuva et Akter, 2012, p. 92). Durant l’administration britannique du territoire, une publication trimestrielle du Bengal Library Catalogue débute (Khan, 1984, p. 127) et plusieurs bibliothèques privées sont créées durant les années 1850 (Zaman Shuva et Akter, 2012, p. 92). En revanche, puisque ces bibliothèques sont des organisations privées avec un financement inconstant sans un support gouvernemental ou municipal, elles sont en piteux état lors de l’indépendance et de la partition du territoire sud-asiatique en 1947 (Khan, 1984, p. 129).
Entre 1947 et 1971, la gestion et le développement des bibliothèques publiques sont sous la gestion de la nouvelle Direction des archives et bibliothèques, sous la responsabilité du ministère de l’Éducation (Khan, 1984, p. 130). À la suite de la publication en 1956 du rapport Key sur la situation des bibliothèques du pays, le gouvernement construit trois nouvelles bibliothèques au Pakistan Est, dont la Bibliothèque publique centrale du Bangladesh (Zaman Shuva et Akter, 2012, p. 92 ; Khan, 1984, p. 131-132).
Lors de son indépendance en 1971, le Bangladesh hérite de 175 bibliothèques publiques et centres informationnels, ainsi que de bibliothécaires professionnels et non-professionnels ; par un heureux hasard, plusieurs employés de la Direction des archives et bibliothèques du Pakistan — dont son directeur et directeur adjoint — préfèrent se faire rapatrier au Bangladesh après la séparation du Pakistan, et leur décision aide à la création de la nouvelle Direction des archives et bibliothèques du Bangladesh en 1972 (Khan, 1984, p. 133).
Les personnages clés dans la formation de la profession de bibliothécaire sont M.S. Khan et Ahmad Husain : leurs employeurs les envoient à l’étranger en 1954 pour une formation officielle en bibliothéconomie, puis ils reviennent au Pakistan oriental pour améliorer leur société. Khan, comme libraire de l’Université de Dacca, commence la Library Science Study Programme, première formation professionnelle pour bibliothécaires au Bangladesh, et Husain, comme libraire de la Bibliothèque publique centrale, écrit l’ébauche d’un nouveau réseau de bibliothèques (Khan, 1984, p. 138).
Type de bibliothèques
Bibliothèque nationale
La bibliothèque nationale du Bangladesh est fondée à la suite de l’indépendance du pays en 1971, mais elle n’entre en fonction de façon pratique qu’en 1973. Elle est précédée par la « Central Library of Pakistan in Dhaka » qui joue un rôle similaire avant cela (Ahmed, 2021). Le rôle de cette bibliothèque en est un fondamental pour toutes les bibliothèques nationales : préserver l’héritage culturel et informationnel publié à la fois dans le pays et sur le pays tout en tenant à jour des ressources informationnelles sur une variété de sujets importants. Cette bibliothèque a maintenant la plus grande collection de documents imprimés du pays, dont une portion significative porte sur l’histoire et la culture locale. La collection, en date de 2012, comprend environ 400 000 livres et 100 000 journaux (Ahmed, 2021). Les missions de cette bibliothèque sont nombreuses. Déjà, en fonction des lois sur le droit d’auteur, elle a comme mission de conserver un exemplaire de chaque ouvrage publié dans le pays et de les rendre accessibles aux lecteurs ou chercheurs. Elle doit aussi dresser des listes de tous les ouvrages, articles et autres publications créées chaque année dans le pays. Un autre aspect de cette bibliothèque est sa mission de guide, de communication et de protection. Elle doit en effet nourrir le domaine des sciences de l’information et de la bibliothéconomie au Bangladesh. Elle est responsable de garder contact avec les bibliothèques d’ailleurs et de s’assurer du partage et de la valorisation des publications nationales. C’est aussi son rôle de protéger les autres bibliothèques du pays. Finalement, la bibliothèque est responsable d’assigner les ISBN pour les publications du pays. (Ahmed, 2021) Toutefois, il a été argumenté que ces missions ne sont pas remplies de façon adéquate et que d’autres devraient être considérées, comme des services pour le gouvernement et la recherche (Abdul Huq, 1977).
Le succès des missions de la bibliothèque est variable, puisqu’elle fait face à plusieurs difficultés. Une étude de 2018 a déterminé que la gestion des connaissances de la bibliothèque nationale n’est pas satisfaisante malgré son potentiel et que cela était partiellement lié aux politiques en place (Sultana et Mostofa, 2018). Un des grands problèmes de cette bibliothèque est le manque d’appui législatif et gouvernemental quant à son existence et à ses missions. Le gouvernement du pays n’offre malheureusement pas de guide quant au développement de la bibliothèque. Les ressources technologiques sur place et la présence de la bibliothèque en ligne sont encore très limitées. Il faut toutefois garder en tête certaines limitations et difficultés. Après sa création, la bibliothèque nationale existe dans des bâtiments loués jusqu’en 1985 lorsqu’elle est enfin déplacée dans un bâtiment lui étant consacré (Ahmed, 2021). Aussi, la bibliothèque nationale doit faire face au manque de personnel formé. D’autres facteurs expliquant la difficulté de la bibliothèque nationale à remplir ses missions, à se moderniser et à offrir des services adéquats et équitables sont la croissance rapide de la population, le haut taux d’analphabétisation, le manque d’éducation et les ressources économiques limitées (Nahar, 1992).
Bibliothèques publiques
Les premières bibliothèques publiques au Bangladesh sont fondées dans les années 1850 (Khan, 1984, p. 128). Bien que privées, elles jouent un rôle essentiel dans l’éducation et la diffusion de l’information à une époque où l’accès à la connaissance est limité. En 1958 la première bibliothèque publique gouvernementale ouvre au public à Dacca (Khan, 1984, p.131).
Depuis 1983, les bibliothèques publiques gouvernementales sont gérées par le Département des bibliothèques publiques (Department of Public Libraries ou DPL) sous la tutelle du Ministère des Affaires culturelles. Le DPL s’occupe de 71 bibliothèques réparties sur tout le territoire bangladais et à différent niveau administratif (DPL, 2024, p. 9). Selon le rapport annuel 2023-24, plus de 1,3 millions de personnes ont fréquenté ces bibliothèques, dont majoritairement des hommes (environ 826 000), tandis que 2,75 millions de livres étaient disponibles dans l’ensemble des bibliothèques et 80 070 livres ont été achetés (DPL, 2024, p. 11). Les bibliothèques organisent diverses initiatives pour promouvoir la lecture et renforcer les liens avec la communauté, notamment des concours et séances de lecture, des ateliers de sensibilisation, ainsi que des expositions culturelles valorisant la littérature, les arts et les traditions locales. Des partenariats avec des établissements éducatifs permettent d’offrir des ressources et des programmes éducatifs. Des journées thématiques, comme la Journée mondiale du livre, sont également célébrées avec des activités et des discussions autour de la lecture et de la littérature (DPL, 2024, p. 54-68).
Afin d’offrir un meilleur accès aux usagers, la DPL fait état de plusieurs projets de constructions ou de rénovation de bibliothèques, ainsi qu’un développement et une modernisation de l’accès Internet et des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les bibliothèques pour créer ou améliorer le service en ligne. Des formations sont proposées aux bibliothécaires et usager.e.s. 76 bibliothèques mobiles, développées entre 2018 et 2024, desservent les 64 districts du Bangladesh (DPL, 2024, p. 33-36).
Bien qu’il y ait des défis à affronter, comme le manque de ressources et de personnel formé (en plus de 356 postes vacants (DPL, 2024, p. 11)), les bibliothèques publiques gouvernementales du Bangladesh semblent avoir à cœur d’améliorer l’accès à l’information et à promouvoir la culture de la lecture dans tout le pays.
Bibliothèques scolaires
L’éducation au Bangladesh est gratuite et obligatoire pour tous les enfants jusqu’à la 5e année (Global Partnership for Education, 2020, p. 22). La Directorate of Primary Education (DPE) note que 20 millions de jeunes d’âge préscolaire et primaire, soit plus de 97 %, sont scolarisé.e.s, avec une parité entre les filles et les garçons. Les écoles primaires gouvernementales représentent 57,2 % des écoles primaires du pays et scolarisent 57,3 % des élèves. Selon la DPE, 95,6 % des établissements primaires du gouvernement disposent d’un coin lecture et plus de 61 % des écoles utilisent des outils multimédias en classe (Monitoring and Evaluation Division, 2024, p. 116; 135). Des témoignages d’élèves rapportent qu’il n’y a pas de coin lecture dans leur local et qu’ils lisent plutôt les manuels scolaires. Les enseignant·e·s interrogé·e·s affirment que la bibliothèque scolaire suffit pour tous les besoins des élèves et que la lecture des manuels est encouragée (Salahuddin et al., 2020). Ces manuels sont d’ailleurs distribués gratuitement par le gouvernement depuis 2009 pour le primaire comme le secondaire. Il faut noter que certaines bibliothèques scolaires d’écoles gouvernementales bénéficient d’aide et de ressources par des ONG pour développer les coins lecture (Light of Hope, 2023; Zabarang, 2018).
Depuis la déclaration d’indépendance, le gouvernement prend en charge l’éducation secondaire et supérieure. La Directorate of Secondary and Higher Education est créée en 1981. Elle supervise environ 19 848 institutions secondaires, pour environ 10,5 millions d’élèves. Il y a seulement 368 écoles secondaires publiques pour 318 513 élèves, les autres écoles secondaires sont gérées par le secteur privé, sous le nom d’écoles secondaires non gouvernementales (NGSSs). Seul environ 9 000 d’entre elles disposent d’une bibliothèque fonctionnelle ou d’un espace dédié à la lecture. Les écoles les plus défavorisées sont surtout en zone rurale (Hossain, 2019, p. 155‑156 ; Hossain et al., 2019, p. 66‑67). Pour améliorer la situation, le gouvernement lance entre 2008 et 2017, un gros projet visant à encourager la lecture et à améliorer les bibliothèques scolaires (World Bank, 2008). Le gouvernement du Bangladesh souhaite également intégrer des laboratoires de TIC et des bibliothèques de contenu numérique dans toutes les bibliothèques de ses écoles. Mais l’absence d’équipement ou d’installation empêche de concrétiser ce projet, même si 88,9 % des écoles ont des installations informatiques, seules 76,6 % disposent d’une connexion à Internet (Hossain et al., 2019, p. 67).
Bibliothèques universitaires
Les bibliothèques universitaires du Bangladesh existent en deux groupes distincts : celles qui sont publiques, et celles qui sont privées. Avec un meilleur financement et de meilleures conditions, quelques bibliothèques universitaires privées ont un niveau de développement qui serait considéré comme meilleur par des standards occidentaux. Ce n’est toutefois pas vraiment le cas au public (Zaman Shuva, 2011). Malgré de nombreux efforts, entre autres pour la numérisation des catalogues, ainsi que pour avoir de meilleures offres de services, les bibliothèques universitaires du Bangladesh, à l’exception de quelques bibliothèques créées récemment et donc difficile à considérer, ont encore du mal à se moderniser. En général, les bibliothèques universitaires n’ont pas la qualité qui serait idéale pour soutenir les études supérieures et l’expansion du système d’éducation (Rahman, 2013). La plus grande bibliothèque universitaire publique au Bangladesh est celle de l’Université de Dacca. C’est elle qui sera considérée plus en détail. Il est raisonnable de considérer cette bibliothèque comme un exemple pour avoir une idée de l’état des bibliothèques universitaires publiques de façon plus générale. Sa collection comprend plus de 600 000 livres et journaux. Cette bibliothèque est divisée, entre une bibliothèque centrale, une bibliothèque des sciences et quelques autres bibliothèques départementales. Notons qu’en 2022, la bibliothèque centrale a interdit l’accès direct à la collection. Il est alors demandé aux étudiants de nommer les livres recherchés pour qu’un employé puisse aller les chercher à leur place. La direction cite, entre autres, des raisons d’organisation et de sécurité pour ce changement, mais l’opinion des étudiants quant à cette décision est mitigée (Nuri, 2022). Aussi, la salle de lecture de la bibliothèque centrale est très utilisée et manque d’espace, ce qui a mené, entre autres, à l’implémentation d’un système qui limite l’entrée des individus non étudiants, dont les anciens étudiants qui faisaient encore usage des espaces de la bibliothèque (Mohammed, 2024). Bref, il semble clair que plusieurs difficultés sont présentes quant à cette bibliothèque et que les décisions prises semblent plutôt centrées sur la survie que sur l’amélioration. Cela est lié au manque de ressources et aux difficultés de gestion. En effet, un problème majeur de la bibliothèque est le manque d’expertise des employés ainsi que le fait qu’il n’y ait pas de ligne directrice quant à la gestion de la bibliothèque (Mostofa et Mezbah-ul-Islam, 2015).
Bibliothèques spécialisées
Il existe environ 1000 bibliothèques spécialisées au Bangladesh, notamment dans le domaine de l’agriculture (Zaman Shuva, 2011, p. 54). Toutefois, considérant les limites de notre recherche, nous avons choisi de nous concentrer sur les autres types de bibliothèques. Nous évoquerons, tout de même, la bibliothèque médicale et de santé publique du icddr,b ou « International Centre for Diarrhoeal Disease Research, Bangladesh » (Centre International pour la Recherche contre les Maladies diarrhéiques, Bangladesh [Traduction libre]) qui offre des services modernes et avancés par rapport aux autres bibliothèques du pays (icddr,b, 2024a), notamment avec l’utilisation d’un logiciel de gestion de bibliothèque (icddr,b, 2024b).
Cadre éducatif en sciences de l’information et des bibliothèques
Au Bangladesh, le premier programme de formation en bibliothéconomie était à l’origine un programme de trois mois donné par la bibliothèque de l’Université de Dacca. Celui-ci, né en 1952, était alors destiné au personnel de l’institution et n’a été en vigueur qu’une session. Toutefois, il a inspiré la création d’autres cours similaires (Fulbright courses) et, ultimement, la création d’un programme de certificat de 6 mois en bibliothéconomie. Ce certificat, décerné par la East Pakistan Library Association (désormais Library Association of Bangladesh), constitue un précurseur aux cours et programmes universitaires qui suivront. En effet, dès 1959, l’Université de Dacca instaure un programme d’études supérieures d’une durée d’un an intitulé « Library Science » (Dhaka University, s.d.). Dans les années suivantes, l’engouement pour celui-ci de pair avec le développement des bibliothèques du pays mènent à la transformation du programme, qui devient officiellement un programme de maîtrise en 1962. Enfin, le département de l’université crée également une option de maîtrise avec mémoire (MPhil) et un programme de doctorat en 1976 et 1979. Au milieu des années 1990, le Département de Bibliothéconomie et Sciences de l’information de l’Université de Dacca dénombre alors 1081 titulaires de diplômes d’études supérieures, 815 titulaires d’une maîtrise et quatre doctorants ayant terminé leurs études (Ahmad, 1994, p. 318). L’université mène ainsi le pas au développement de départements de bibliothéconomie au sein d’autres universités comme à l’Université Rajshahi en 1993 (Rahman et al., 2008, p. 4) ou la Noakhali Science and Technology University (Library Association of Bangladesh, s.d.).
En parallèle, d’autres types d’institutions développent aussi des cours et programmes de formation pour les bibliothécaires. Dans les années 1960 et 1970 naissent ainsi les Training Programmes for school librarianship du National Institute of Educational Administration Extension and Research (désormais National Administration Education Management) de même que des programmes de certificats de six mois offerts par des collèges de formation des maîtres (Teachers Training Colleges) et par le Bangladesh Libray Council (Ahmad, 1994, p. 317).
Aujourd’hui, plusieurs institutions offrent des cours et des programmes de formation en bibliothéconomie au Bangladesh. Celles-ci regroupent à la fois des universités publiques, des universités privées ainsi que plusieurs organismes affiliés à l’Université nationale du Bangladesh (collèges et instituts) (Library Association of Bangladesh, s.d.).
Cela étant dit, la formation des bibliothécaires au Bangladesh requiert des exigences particulières. Bien que plusieurs niveaux de formation existent, il est avant tout nécessaire pour les bibliothécaires de posséder un baccalauréat en Sciences de l’Information et gestion de bibliothèque décerné par une université reconnue. De même, les aide-bibliothécaires et les commis de bibliothèque doivent aussi être qualifiés : on exige qu’ils et elles détiennent un baccalauréat dans n’importe quel domaine et, idéalement, un certificat en bibliothéconomie (Lo et al., 2022, p. 135).
Par ailleurs, la formation des bibliothécaires est associée à plusieurs enjeux. Notamment, on retrouve peu de publications scientifiques d’étudiants ou du corps professoral bangladeshi. Également, l’essor rapide des départements de bibliothéconomie et le peu d’encadrement dont ils ont bénéficié à leur création est lié à un enjeu d’uniformisation, alors que d’importantes différences subsistent entre les différentes institutions. Des études relèvent aussi la nécessité de maintenir les programmes à jour et d’en modifier la structure. Par exemple, on critique l’enseignement encore très majoritairement magistral et le mode d’évaluation par évaluation finale formelle unique, de même que le peu de cours axés sur les technologies de l’information. Les institutions bangladeshies sont aussi aux prises avec des iniquités quant aux infrastructures et à l’accessibilité à des outils et des laboratoires informatiques. Enfin, la modernisation et la bonification du curriculum afin de permettre une certaine spécialisation des étudiants et leur fournir des programmes de formation continue constituent une autre nécessité dans la formation des bibliothécaires (Rahman et al., 2008).
Associations de bibliothèques
Présentement, il y a deux associations importantes des bibliothécaires au Bangladesh : la Library Association of Bangladesh (LAB) et la Bangladesh Association of Librarians, Information Scientists and Documentalists (BALID). D’autres associations ont déjà existé — Hossain (1981) en dénombre huit — mais elles ont soit été dissoutes ou n’ont pas su se créer une bonne présence sur l’Internet.
La LAB est la plus vieille et a changé de nom plus d’une fois. Son précurseur, la East Pakistan Library Association fut créée en 1956, et s’est joint à la Pakistan Library Association l’année suivante (Khan, 1984, p. 139). Cependant, après la guerre de 1971 qui sépara le pays en deux, ses membres ont changé le nom à la Library Association of Bangladesh (Banglapedia, 2021). Selon sa constitution, la LAB a pour mission de sensibiliser tous les publics sur l’importance des bibliothèques et des services de l’information pour le développement de la société (Library Association of Bangladesh, 2022). L’Association se donne plusieurs objectifs pour améliorer le travail des bibliothèques et des bibliothécaires, incluant de promouvoir la coopération entre institutions et individus, de surveiller la « qualité de la recherche, de l’enseignement et de la formation en bibliothéconomie et en sciences de l’information » et de diffuser le travail de ses membres (LAB, 2022). Ses objectifs comprennent aussi celui d’être le « conseil d’accréditation pour la profession de bibliothécaire » du pays (LAB, 2022) ce qui est particulier car aucune législation existante n’accorde ce droit à la LAB exclusivement.
La BALID a été fondée en 1986 et, d’après son site Internet, elle est « le seul organisme professionnel à part entière dans le domaine de la gestion des bibliothèques et de l’information » [traduction libre] (Apu, 2012). Ces objectifs, similaires à ceux de la LAB, incluent l’avancement des compétences et de la profession, l’amélioration du statut des bibliothécaires et la défense de l’intérêt professionnel de ses membres.
La LAB aurait joint l’IFLA en 1976 (Banglapedia, 2021), mais la liste de l’IFLA (2024) ne contient ni la LAB ni la BALID. La déclaration de Zaman Shuva (2011) comme quoi « aucune des deux [associations] ne joue de rôle central pour améliorer la situation générale des bibliothèques du pays » va en ce sens.
Cadre législatif
Survol du XXIe siècle
Entre 2000 et 2020, plusieurs initiatives posent des pierres dans l’édifice de la législation en matière de bibliothèques au Bangladesh. Une loi sur le droit d’auteur voit d’abord le jour en l’an 2000. Elle sert à mettre à jour et à consolider les lois concernant le droit d’auteur au Bangladesh (Copy Right Act, 2000, p. 2). Son onzième chapitre concerne la livraison d’ouvrages et de journaux à la Bibliothèque nationale. Il prescrit à l’éditeur de tout ouvrage publié au Bangladesh d’en livrer une copie imprimée à la Bibliothèque nationale dans les soixante premiers jours qui suivent la date de publication. Il en va de même pour chaque édition des journaux et des périodiques publiés au Bangladesh (Copy Right Act, 2000, p. 43).
Un premier document de politique nationale sur les bibliothèques, écrit en 2001, édicte certains principes, dont la modernisation, l’expansion en milieu rural, la mutualisation de l’information parmi les ministères et les départements, l’établissement de bibliothèques dans des institutions religieuses ou de formation, la préservation de collections rares, la collaboration avec les institutions privées locales et avec les ressources en éducation populaire, la professionnalisation des travailleurs et des gestionnaires, la connexion aux réseaux d’information internationaux et, surtout, la séparation des lois pour la bibliothèque nationale et des lois pour la bibliothèque publique. Selon ce document, les autres bibliothèques du pays devraient suivre les politiques de leurs institutions respectives, mais on devrait établir une coordination à l’échelle nationale (Ministère des Affaires culturelles, 2020, p. 7).
Puis, la National Cultural Policy 2006 suggère l’établissement de bibliothèques publiques pour promouvoir les habitudes de lecture et met l’accent sur la transformation numérique. La National ICT Policy 2009 se penche sur l’usage efficace des TIC pour le développement social et sur l’accès universel. La National Education Policy 2010 reconnait l’importance des bibliothèques dans la formation tout au long de la vie ainsi que dans les contextes universitaires et municipaux. Le projet Access to Information, initié en 2007 par le Bureau du premier ministre, a pour objectif principal d’assurer l’accès à des services publics de qualité pour tous les citoyens bangladais, y compris les services d’information. La National Broadband Policy 2009 met l’accent sur la connexion à faible coût des bibliothèques publiques du pays à un réseau Internet fiable et avancé. Le Seventh Five Year Plan 2016-2020 promeut la croissance saine d’activités culturelles d’un bout à l’autre du pays, ce qui comprend le développement du réseau de bibliothèques et de leurs infrastructures à tous les niveaux : national, rural, etc. Lancé en 2018, le Bangladesh Delta Plan 2100 consiste en un système de gestion des connaissances mondiales liées aux deltas, réunies dans une bibliothèque numérique (Ministère des Affaires culturelles, 2020, p. 5-6)
National Public Library Policy 2020
C’est en 2020 qu’un cap de maturité juridique est atteint avec l’adoption de la National Public Library Policy, qui propose une vision d’ensemble pour les bibliothèques publiques. Lancée en 2018, l’initiative est issue du département des bibliothèques publiques, qui fait partie du ministère des Affaires culturelles. Justifiée par un besoin de politique nationale qui encadre les bibliothèques publiques suffisamment pour qu’elles se développent selon les intérêts du pays, cette politique s’appuie d’abord sur une revue des politiques locales et internationales en matière de bibliothèques. Elle émerge ensuite après de vastes consultations auprès des acteurs bangladais du domaine des bibliothèques publiques (Ministère des Affaires culturelles, 2020, p. ii-iii). Il en résulte des déclarations phares sur les bibliothèques publiques du Bangladesh, entre autres sur leurs valeurs fondamentales, leur emplacement et leur visibilité, leur infrastructure physique, leurs ressources matérielles, le développement de leurs ressources informationnelles qui se doivent d’être à jour, leurs services, y compris ceux qui sont destinés à des groupes d’intérêt particuliers, leurs programmes qui font des bibliothèques des plaques tournantes pour la communauté, la modernisation, le marketing et le développement durable (Ministère des Affaires culturelles, 2020, p. iv-v). La politique annonce également la création d’un cadre technique distinct au sujet des exigences professionnelles (Ministère des Affaires culturelles, 2020, p. 43).
Informations complémentaires
Sur le statut professionnel et la reconnaissance
Au Bangladesh, bien qu’elle soit jugée comme « respectable » (Lo et al., 2022, p. 136), la profession de bibliothécaire est pourtant peu valorisée. Que ce soit en raison des salaires peu élevés ou des minces possibilités d’avancement professionnel, le domaine est jugé peu attrayant pour les étudiants (Rahman et al., 2008, p. 15). De plus, au sein de la Bangladesh Public Service Commission (PSC), il n’existe pas de cadre spécifique pour le recrutement de bibliothécaires dans les institutions gouvernementales. Ainsi, les bibliothécaires voulant intégrer la fonction publique ne peuvent le faire sans se réorienter : iels sont contraint·e·s d’occuper d’autres fonctions en dehors de leur domaine d’expertise (Rahman et al., 2008, p. 15). En 2021, les bibliothécaires scolaires ont obtenu une plus grande reconnaissance grâce à l’octroi d’un titre d’enseignant, alors qu’auparavant, iels n’étaient pas toujours reconnus comme membres du personnel académique (Roy et Islam, 2022).
Sur les collections
En lien avec les collections, certains aspects linguistiques et religieux influencent les bibliothèques du pays. D’abord, puisque l’anglais est considéré comme « un outil pour communiquer d’une perspective internationale », plusieurs bibliothèques possèdent des collections regroupant des ouvrages dans les deux langues : l’anglais et le bengali. Par exemple, c’est le cas de la Bangladesh Shishu Academy, une académie ayant pour mission d’aider et éduquer les enfants et qui possède une collection constituée à 60 % de documents en bengali et à 40 % de documents en anglais (Lo et al., 2022, p. 135).
Au niveau de la religion, on note que la constitution du Bangladesh établit la laïcité comme l’un de ses principes fondamentaux. Ainsi, en tant qu’institutions laïques, les bibliothèques du pays comptent parmi leurs collections des ouvrages sur diverses religions, sur la biologie humaine et sur la sexualité (Lo et al., 2022, p. 136). Néanmoins, cela n’empêche pas le pays de subir certaines formes de censure, alors que certains livres font toujours l’objet d’interdictions pour cause d’atteinte aux sentiments religieux et personnels (Dhaka Tribune, 2020).
Sur des initiatives d’ONG
À partir de 2017, à la suite de conflits en Birmanie, de nombreux Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh. Iels ont établi des camps de réfugiés au sud du Bangladesh. Dans celui de Kutupalong, 950 000 personnes, dont 550 000 enfants survivent. L’ONG Bibliothèque sans Frontières a déployé 50 Ideas Cube et 9 Ideas Box. Ces dispositifs offrent aux enfants et adultes du camp, un accès à des ressources de bibliothèque pour pouvoir apprendre, se divertir, et renforcer leur résilience, malgré les conditions de vie précaires (Bibliothèques Sans Frontières, 2019 ; Bibliothèques Sans Frontières, s.d.).
Références
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